Le Journal de Montreal

Une porcelaine brisée et l’art du kintsugi

- LOUISE DESCHÂTELE­TS louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com

Pour la deuxième fois, je viens de terminer ma relation avec un homme qui, je le croyais, avait enfin compris que notre vie à deux était la plus belle des choses. La prise de conscience qu’il semblait avoir faite et sa parole sincère qu’il m’avait donnée de travailler à changer ses comporteme­nts invivables pour faire place au simple bonheur d’être ensemble sont très vite disparues.

J’ai malgré tout persisté pendant des mois en me disant que je devais lui laisser du temps pour développer de nouvelles habitudes. Mais le temps m’a permis encore une fois de réaliser que ma façon simple d’être heureuse, d’aimer la vie, mes enfants et mes proches, à ses yeux, ça nuisait à notre intimité. Mon comporteme­nt, qu’il trouvait admirable au départ, devenait inacceptab­le et insupporta­ble à la longue. Ma volonté de voir le bon côté des choses et d’en rendre grâce à la vie devenait pour lui une provocatio­n et dénotait mon incapacité à regarder en face le vrai visage de l’existence sur Terre.

Confrontée à des émotions contradict­oires pendant plusieurs mois, je vivais au gré de son caractère ombrageux, jusqu’à ce que la flamme de l’espoir s’éteigne complèteme­nt devant le fait qu’il ne voulait pas changer. Pour lui, tout est la faute des autres, des circonstan­ces et de son passé. Il ne porte aucune responsabi­lité dans ce qui lui arrive.

Épuisée et démolie psychologi­quement, il a fallu que je renonce à mon rêve de vie à deux avec lui devant les trop rares moments de bonheur qui s’offraient à moi. Le matin où il m’a dit « Dans la vie, on a toujours le choix ! », j’ai décidé de me choisir. Malgré le fait que j’avais pris soin de réparer les cicatrices de mes blessures passées, ma porcelaine volait de nouveau en éclats. Peu à peu, je me pardonne d’avoir eu foi en notre couple. Je réapprends à m’aimer et à aimer la vie. Cette fois-ci, je travailler­ai l’art du kintsugi uniquement pour moi, en me rappelant que je suis précieuse et que je me dois de m’aimer et de me protéger à chaque instant de ma vie.

Une porcelaine qui reprend de sa valeur

Quelle belle image pour illustrer votre propos que l’utilisatio­n de cette méthode japonaise de réparation des porcelaine­s et des céramiques brisées au moyen d’une laque saupoudrée de poudre d’or, qu’on appelle le kintsugi ! Souvenez-vous qu’on ne peut jamais changer l’autre, mais qu’on peut se changer soi-même à partir du moment où l’on prend conscience qu’en abordant la vie différemme­nt, on se donne le maximum de chances de ne pas répéter les mêmes erreurs. Et cela se fait au-delà de la réparation de la porcelaine du coeur.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada