Elle cogne les tabous
Victoria Lachance ne voulait pas que son passage d’homme à femme nuise à son parcours sportif
Après une année sous le prénom de Danick avec les Aigles de Trois-Rivières dans le baseball élite québécois, c’est sous le nom de Victoria Lachance qu’elle défendra les couleurs de l’équipe cet été.
« JE NE LES REMERCIERAI JAMAIS ASSEZ » — Victoria Lachance, au sujet du soutien de son équipe
TROIS-RIVIÈRES | Figurant parmi les meilleurs espoirs de son âge au baseball québécois, Danick Lachance-Plante était prêt à faire le saut et briser tous les tabous. Il est devenu une femme et défendra les couleurs des Aigles de Trois-Rivières de la Ligue de baseball junior élite sous le nom de Victoria la saison prochaine.
La jeune transgenre de 18 ans a amorcé dans les derniers mois une transformation à laquelle elle réfléchissait depuis le début de son adolescence. Elle a suivi des traitements hormonaux, revampé son style vestimentaire et a officiellement changé son nom pour Victoria.
« C’était flou un peu [avant]. À la fin 2017, j’avais confirmé ce que je pensais après plusieurs recherches. Ç’a été assez long. Ce n’est pas quelque chose qui se fait sur un coup de tête », a raconté Victoria en entrevue hier.
« Pour certains, ça vient à 18 ans, d’autres plus tôt. Ce n’est jamais facile, peu importe l’âge. Il n’y a pas de mot exact pour définir ça », explique-t-elle.
CRAINTES
Le milieu sportif typiquement masculin dans lequel évolue Victoria l’a d’abord freinée dans ses aspirations à devenir ce qu’elle sentait être au fond d’elle. « N’eût été le baseball, je l’aurais fait avant. Quand j’ai su que ça se pouvait, je suis allée de l’avant », lance-t-elle, rassurée par l’attitude du gérant de l’équipe Alexandre Béland (voir autre texte).
Depuis que l’annonce de son changement de sexe a été faite à ses proches et à ses coéquipiers, elle se sent plus soulagée que jamais. « Ça fait tellement du bien », souffle-t-elle.
« À chaque personne à qui je l’annonçais, je m’attendais au pire. Comme ça, si le pire arrivait, je n’aurais pas été surprise. Mais au contraire, tout le monde réagit bien », dit-elle.
« Quand tu fais une annonce comme ça, tu as peur de perdre tous tes amis. Moi, je ne pourrais pas être plus chanceuse que ça », estime Victoria, soulignant spécialement le soutien de l’organisation des Aigles à son égard. « Je ne les remercierai jamais assez. »
Quelques « malaises » subsistent avec son entourage, mais elle s’assure de les dissiper surle-champ lorsque ceux-ci se présentent. « Quand je sens que l’autre est mal à l’aise, j’essaie de le rassurer. C’est ma job », se dit Victoria, qui pointe aussi les moments où son entourage se trompe en utilisant le genre masculin en s’adressant à elle.
« Ça arrive quand même souvent ! Je prends ça en riant. Même ma mère, qui me voit quasiment 24 heures sur 24, se trompe ! Je ne peux pas leur en vouloir pour ça », assure-t-elle.
DANS SA « BULLE »
Si les discussions entre les joueurs sur le terrain peuvent être acrimonieuses par moment, Victoria est néanmoins certaine que son histoire ne lui nuira pas. Elle avait déjà été la cible de commentaires regrettables au cours de son parcours sportif en raison de son syndrome de Gilles de la Tourette.
« Quand j’embarque sur le terrain, je suis dans ma bulle. Donc, non, ça ne m’inquiète pas. Je ne me suis jamais laissée atteindre par ces commentaires-là. Je fais tout simplement jouer ma game et ça me passe dix pieds par-dessus la tête », lance-t-elle.