Le Journal de Montreal

Encore de mauvais soins à L’Éden

Ce CHSLD de Laval a déjà fait l’objet de plusieurs dénonciati­ons au cours des dernières années

- DOMINIQUE SCALI

Trois familles à bout de nerfs à force de voir leurs mères dépérir veulent faire cesser les mauvais traitement­s dans un CHSLD de Laval qui ne semble pas s’être amélioré malgré les plaintes et reportages répétés sur des cas semblables.

« C’est inacceptab­le. On ne traite même pas les animaux comme ça », dit Robert Chabot.

Sa mère, Marie-Rose Hamel, 91 ans, se faisait appeler « madame soleil », tant elle est rieuse. Mais depuis son arrivée à la résidence L’Éden de Laval en septembre, elle pleure et tremble souvent.

Et comme elle sait que sa couche ne sera pas changée rapidement, elle a parfois peur de manger, explique Noëlla Chabot.

Nourriture infecte, préposés débordés, résidents peu ou mal lavés. L’Éden a fait l’objet de nombreuses critiques dans la dernière année et même avant.

En février, une infirmière dénonçait notamment le manque de personnel et les soins déficients. En août, trois frères dévoilaien­t le traitement « inhumain » qu’aurait subi leur mère.

Dans les derniers mois, trois autres familles qui n’ont aucun lien entre elles ont contacté Le Journal pour témoigner.

« JE BRAILLE MA VIE »

L’Éden est une résidence privée qui sert de transit pour les personnes en attente d’avoir une place dans le CHSLD de leur choix. Pour plusieurs usagers, la « transition » s’éternise durant plusieurs mois.

« Quand je vais la voir, je braille ma vie », dit Sylvie Parent. Sa mère, Lilly Bolduc, 77 ans, a résidé à L’Éden pendant près de sept mois avant d’être transférée vendredi.

Elle estime qu’en raison du manque de surveillan­ce et d’aide, sa mère a fait au moins 19 chutes là-bas. « Et ça, c’est seulement les fois où ils m’ont appelée. »

De plus, ses médicament­s étaient souvent administré­s aux mauvaises heures, et la nourriture était inadéquate par rapport à ses problèmes de santé, raconte-t-elle.

« Elle a perdu 30 livres. Même la taille “petite” ne lui va plus. »

Les trois familles disent aussi avoir remarqué de sérieux manquement­s dans les soins hygiénique­s prodigués aux résidents qui souffrent d’incontinen­ce.

« Quand on allait visiter, l’odeur [de déjection] était si forte qu’on n’était pas capables de rester plus de 10 minutes, raconte Lisette Dupéré. J’ai tellement pleuré. »

« MALTRAITAN­CE »

Les familles disent toutes n’avoir vu aucune améliorati­on après avoir porté plainte auprès du personnel et du commissair­e aux plaintes de l’endroit.

« Ils se foutent de nous autres. C’est de la maltraitan­ce […]. Il faut que le gouverneme­nt s’en mêle », dit Robert Chabot.

Le directeur de L’Éden, Alain Fafard, assure que des mesures sont en vigueur pour améliorer les services, comme l’ajout de personnel et la multiplica­tion des communicat­ions avec les familles.

Il affirme aussi que L’Éden respecte les normes en matière de repas, de formation et de prévention des épidémies.

Du côté du Centre intégré de santé et de services sociaux de Laval, un plan a été mis en branle cet été, qui inclut l’envoi d’employés externes afin d’aider l’équipe à organiser le travail et à former le personnel. Et ce, dès janvier, soit dans quelques jours, dit Régis Pearson.

Des familles voient déjà une heureuse différence dans la qualité des soins depuis que leurs mères ont été transférée­s.

SOULAGEMEN­T

À peine 24 heures après que Le Journal eut commencé à interroger les autorités, la famille Parent a appris que Mme Bolduc avait enfin une place ailleurs. Le Journal était présent à L’Éden jeudi lors de l’appel.

« C’est trop beau pour être vrai », s’est exclamée Mme Bolduc, qui peine habituelle­ment à faire de longues phrases.

Quant à Mme Dupéré, sa mère, Huguette Giroux, 86 ans, a été transférée dans un CHSLD près de chez elle à Saint-Jérôme, le 29 novembre.

« Ici, c’est formidable », dit-elle. Alors qu’à L’Éden, « c’était l’enfer. J’ai capoté tout le temps qu’elle a été là. »

Selon le commissair­e aux plaintes de L’Éden, Michel Coutu, ainsi que plusieurs autres centres de la région métropolit­aine, la pénurie de personnel se fait sentir dans l’ensemble du réseau des CHSLD.

« Le nombre de plaintes est en croissance dans tous les établissem­ents, pas exclusivem­ent à L’Éden », dit-il.

 ?? PHOTOS COURTOISIE ET DOMINIQUE SCALI ?? 1. Marie-Rose Hamel en compagnie de trois de ses enfants : Robert, Pierre et Yvette Chabot. 2. Lilly Bolduc, embrassée par sa petite-fille Fanny Parent, a versé des larmes de joie quand elle a appris jeudi qu’elle allait enfin changer de CHSLD. 3. Le 13 octobre, Sylvie Parent a réalisé que la paille de sa mère était remplie de moisissure. Elle se serait fait répondre que le personnel n’a pas le temps de laver les verres.
PHOTOS COURTOISIE ET DOMINIQUE SCALI 1. Marie-Rose Hamel en compagnie de trois de ses enfants : Robert, Pierre et Yvette Chabot. 2. Lilly Bolduc, embrassée par sa petite-fille Fanny Parent, a versé des larmes de joie quand elle a appris jeudi qu’elle allait enfin changer de CHSLD. 3. Le 13 octobre, Sylvie Parent a réalisé que la paille de sa mère était remplie de moisissure. Elle se serait fait répondre que le personnel n’a pas le temps de laver les verres.
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