Vieux comme le monde
Dès qu’ils frôlent la cinquantaine, on ne compte plus les hommes à la testostérone vacillante pressés d’aller chasser sur les terres affriolantes des jeunes femmes. Certains vivent de vraies histoires d’amour, mais la plupart s’y précipitent pour mieux nier leur propre vieillissement.
La figure emblématique de la jeune femme leur sert avant tout de validation. Rêvant de tâter de la chair plus ferme que la leur, ils en oublient leur pouvoir déclinant de séduction. La jeune femme, par définition en devenir, permet aussi à ces hommes de continuer à exercer une certaine domination.
Ce phénomène est vieux comme le monde. C’est pourquoi les propos controversés de l’écrivain français Yann Moix n’ont rien d’étonnant. En tournée pour mousser les ventes de son dernier livre, il s’est dit « incapable d’aimer une femme de 50 ans » parce qu’il trouve cela « trop vieux ». Traduction libre : cachez ce sein tombant que je ne saurais voir.
MÉPRIS
Âgé lui-même de 50 ans et très ordinaire physiquement, Moix n’aime que les femmes asiatiques et jeunes. « J’aime les femmes plus jeunes, lancet-il, je n’en suis pas responsable et je n’en ai pas honte. » Ah bon.
Bravo pour le marketing. Une bonne controverse fait toujours grimper les ventes d’un livre. Zéro cependant pour ses déclarations. Comme quoi, malgré des décennies de féminisme, le vieux fond de mépris envers les femmes de 50 ans et plus s’entête à perdurer.
Car mépris il y a. Sa source principale saute aux yeux. Ces femmes ont une expérience de vie qui, personnellement et professionnellement, les rend souvent plus indépendantes. Impossible alors pour ce genre d’hommes d’exercer sur elles le même ascendant qu’ils s’imaginent capables d’imposer à de plus jeunes femmes.
Hormis pour les vraies histoires d’amour, la véritable clé de la fascination de ces hommes de plus de 50 ans pour les jeunes femmes, elle est là.
PLAFOND D’ÂGE
Sur le plan social, le message est tout aussi pitoyable. Pour emprunter au titre d’un des ouvrages les plus marquants de la sexologue Jocelyne Robert, à toutes ces femmes « vintage », il est tout simplement interdit de vieillir. En plus du plafond de verre, n’oublions pas qu’il existe aussi un plafond d’âge.
Parce qu’elle est aussi hautement rentable pour les méga-industries du « rajeunissement », cette tyrannie imposée de la jeunesse éternelle est dure à terrasser. Les femmes sont néanmoins de plus en plus nombreuses à le faire. La forte réaction aux propos de Moix en est un indice parmi d’autres.
En réfléchissant à toute cette histoire, j’ai beaucoup pensé à ma mère. Ce dimanche, elle aurait fêté ses 82 ans. À l’aube de la cinquantaine, enfin libérée d’un mariage toxique, elle avait recommencé à vivre. À 58 ans, un cancer est toutefois venu la faucher.
C’était beaucoup trop jeune. Je le comprends d’autant plus maintenant qu’à mon tour, j’ai aussi 58 ans. Et n’en déplaise aux Moix de ce monde, le meilleur est encore à venir.