Le Journal de Montreal

Peine de 18 mois de prison à un ex-policier trafiquant

Carl Ranger travaillai­t pour la police de Repentigny et pour les Hells Angels

- ERIC THIBAULT

Un flic ripou qui livrait de la drogue pour les Hells Angels pendant que la population de Repentigny le payait pour assurer la sécurité dans cette ville a écopé de 18 mois de prison, hier.

Sitôt condamné au palais de justice de Montréal, Carl Ranger s’est fait attacher les poignets avec l’un de ses instrument­s de travail durant 13 ans, soit une paire de menottes, avant d’être escorté derrière les barreaux.

Ranger fut l’une des 63 personnes arrêtées en avril 2018 dans le projet d’enquête Objection visant des réseaux de trafic de stupéfiant­s liés aux Hells et présents à travers le Québec.

L’Escouade nationale de répression contre le crime organisé l’avait décrit comme l’un des « courriers » des trafiquant­s, payé pour faire des livraisons de drogue et d’argent liquide.

Le patrouille­ur de 41 ans s’est reconnu coupable de trafic de méthamphét­amine et d’utilisatio­n frauduleus­e des bases de données informatis­ées des policiers.

Le salaire annuel de 84 000 $ que Carl Ranger gagnait à la police de Repentigny ne lui suffisait pas. D’après l’enquête, il s’est tourné vers les motards pour emprunter de l’argent et pour arrondir ses fins de mois.

PIÉGÉ

Le patrouille­ur déchu s’est fait piéger par un criminel repenti qui, tout en jouant un rôle clé dans cette organisati­on de trafiquant­s, travaillai­t secrètemen­t comme agent civil d’infiltrati­on pour la Sûreté du Québec afin d’amasser des preuves contre les suspects.

Le 9 août 2017, le policier Ranger a lui-même approché la « taupe » pour qu’elle « lui trouve un prêt de 6000 $ », selon un document judiciaire au dossier.

La « taupe » a accepté, à condition qu’il lui rende un service : obtenir pour elle des renseignem­ents confidenti­els sur le détenteur de la plaque d’immatricul­ation d’un véhicule.

Pour ce faire, Ranger devait faire des recherches non autorisées dans les banques de données informatis­ées auxquelles il avait un accès privilégié pour exercer ses fonctions de policier.

Dans un scénario mis en scène par les deux hommes, Ranger a reçu le numéro de plaque à vérifier après avoir faussement intercepté la « taupe » au volant de sa voiture. Elle en a aussi profité pour allonger 1100 $ au patrouille­ur. Le surlendema­in, le policier avait les informatio­ns requises.

10 000 SPEED À BORD

Ranger a ensuite organisé une rencontre entre l’agent d’infiltrati­on et un vendeur de méthamphét­amine — aussi appelée « pinotte » ou speed — « pour qu’ils puissent travailler ensemble ».

Le policier a avoué que le 10 février dernier, il a gagné 1000 $ en effectuant une livraison de 10 000 comprimés de speed et de 10 000 $ entre Lachenaie et Bouchervil­le.

Ranger a décliné l’invitation du juge Daniel Bédard à s’adresser au tribunal avant de recevoir sa peine.

À la demande de la Couronne, le juge a aussi ordonné qu’un téléphone cellulaire que la « taupe » avait donné à Ranger pour communique­r avec lui et l’incriminer durant l’enquête soit restitué à la Sûreté du Québec.

Suspendu par la police de Repentigny pendant cette enquête, Carl Ranger a démissionn­é de ses fonctions en 2018. Sa condamnati­on, assortie d’une interdicti­on de posséder une arme à feu durant les dix prochaines années, signifie sans aucun doute la fin de sa carrière de policier.

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 ??  ?? 1. Sachant qu’il s’en irait en prison après être passé devant le juge, Carl Ranger avait apporté au palais de justice de Montréal un sac de sport contenant des effets personnels. 2. Durant l’enquête Objection, les policiers ont saisi cinq presses hydrauliqu­es comme celle-ci, utilisées pour fabriquer des comprimés despeed. 3. L’enquête a permis de saisir 200 000 comprimés de méthamphét­amine. PHOTOS PIERRE-PAUL POULIN ET D’ARCHIVES
1. Sachant qu’il s’en irait en prison après être passé devant le juge, Carl Ranger avait apporté au palais de justice de Montréal un sac de sport contenant des effets personnels. 2. Durant l’enquête Objection, les policiers ont saisi cinq presses hydrauliqu­es comme celle-ci, utilisées pour fabriquer des comprimés despeed. 3. L’enquête a permis de saisir 200 000 comprimés de méthamphét­amine. PHOTOS PIERRE-PAUL POULIN ET D’ARCHIVES

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