Trudeau mise sur un Montréalais
Le nouveau ministre de la Justice David Lametti a tout un défi à relever
OTTAWA | Universitaire méconnu du grand public, le député montréalais David Lametti, prend les rênes de l’important ministère fédéral de la Justice. Une nomination surprenante qui n’est pas sans risques, selon des politologues.
« Il y a clairement du côté de Justin Trudeau un certain pari qu’il fait. On avait besoin d’une figure intellectuelle et on verra à l’usage s’il [M. Lametti] est capable de prendre plus de place au plan public », remarque le politologue Frédéric Boily, de l’Université de l’Alberta.
Le premier ministre a rebrassé quelques cartes hier à neuf mois des élections fédérales, en effectuant un remaniement ministériel dans la foulée de la démission de Scott Brison de ses fonctions de président du Conseil du trésor.
Cinq élus sont touchés, tandis que le Québec gagne une voix supplémentaire au cabinet avec le député de LaSalle-Émard-Verdun, David Lametti. Il a été élu pour la première fois en 2015 avec l’équipe Trudeau. Il occupait jusqu’à hier le poste de secrétaire parlementaire du ministre de l'Innovation.
Il a été propulsé au poste de ministre de la Justice et Procureur général du Canada par M. Trudeau, qui n'a pas manqué de souligner la « carrière juridique et universitaire impressionnante » de son nouveau ministre.
« Je dois être franc, j’ai été moi-même surpris de cette décision, agréablement surpris. Je me sens prêt à relever ce nouveau défi.», a partagé le nouveau ministre qui s’est dit « très fier ».
PARI RISQUÉ
Malgré son bagage appréciable, le choix d’un député novice méconnu du grand public pour occuper un des plus importants portefeuilles du gouvernement en a surpris certains.
« Il n’est pas connu. C’est quelqu’un qui a des lettres de créance intellectuelles très fortes, mais qui ne [donne pas l’impression de] quelqu’un qui peut avoir une image publique forte pour les libéraux, à moins qu’il ne se révèle, dit M. Boily.
« Il faudra voir comment M. Lametti réagit dans le feu de l’action parce qu’à la Justice, c’est un gros dossier, même s’il semble avoir toutes les qualités requises pour être ministre », dit-il.
« C’est un pari risqué pour le gouvernement Trudeau, qui n’est pas gagné d’avance. C’est un poste très important et on voit bien que c’est vraiment stratégique pour le gouvernement Trudeau, renchérit le politologue André Lamoureux de l’UQAM. Il veut protéger ses arrières au Québec, mais il n’est pas dit que la nomination de M. Lametti lui permettra de marquer des points auprès des francophones. »
DOSSIERS COMPLEXES
Chose certaine, M. Lametti hérite de dossiers complexes, tout en ayant peu de temps pour se faire valoir. Par exemple, il sera aux premières loges de l’affrontement qui se dessine entre Ottawa et Québec quant aux projets du gouvernement Legault d’interdire le port de signes religieux chez les employés de l’État en position d’autorité.
Il devra surveiller la mise en place de la légalisation du cannabis, ainsi que la contestation de l’aide médicale à mourir. Les délais judiciaires, la modernisation du système de justice et même l’éventuelle extradition de la haute dirigeante du géant des télécoms Huawei arrêtée à Vancouver se retrouveront sur son bureau.