L’ère Legault prend son envol
Depuis sa victoire électorale, François Legault se dit déterminé à « changer » le Québec. Il promet un gouvernement « ouvert ». Il rabroue le pétrole « sale » de l’Alberta. À Justin Trudeau, il présente sa longue liste de demandes. En relations internationales, sa visite officielle au palais de l’Élysée témoigne aussi d’un virage important.
Dorénavant, ces relations reposeront en majeure partie sur les échanges commerciaux. Reçu en grande pompe, c’est l’essence du message porté hier par le premier ministre François Legault au président de la République,
Emmanuel Macron. Dans la mesure où les rapports Québec-France s’articulaient surtout autour de la question nationale québécoise, ce changement de paradigme est substantiel, mais il n’a rien d’étonnant.
Primo, M. Legault le répète lui-même : l’économie est « sa » priorité. Deuxio, l’option souverainiste est disparue du radar. Le « liant » franco-québécois se dépolitise nécessairement d’autant plus. Il faut aussi dire que cette dépolitisation était déjà enclenchée sous Jean Charest et Philippe Couillard.
BOUCLE
En entrevue hier au Journal, François Legault ne s’en cache pas. Ayant lui-même quitté le PQ en 2009, il en sait quelque chose. « Depuis cinquante ans, on a beaucoup parlé de la question nationale, dit-il. Mais je n’accepte pas qu’on soit plus pauvres que le reste du Canada […]. Pour changer ça, il faut attirer des investissements étrangers et augmenter les exportations. »
Même en visite officielle en France, la question nationale n’est plus vraiment un sujet de discussion. Vingt-quatre ans après la visite historique de Jacques Parizeau à Paris, la boucle est bouclée. Rappelons qu’en janvier 1995, pendant plusieurs jours, le premier ministre Parizeau avait été reçu jusqu’aux plus hauts échelons du pouvoir français et parisien.
Il avait eu droit à tout le faste protocolaire dû à celui qui, à l’aube d’un référendum, deviendrait peut-être le premier président d’un Québec indépendant. Sa mission : s’assurer de l’appui de la France si le Oui l’emportait. Ce qu’il fit.
MÈRE PATRIE
Ce qu’il reste aujourd’hui de ce « peutêtre » ? Plus rien. Avec la France, la « mère patrie », nos rapports sur le plan culturel restent néanmoins privilégiés. Sur le front économique, Jean Charest avait aussi signé une entente favorisant la mobilité de la main-d’oeuvre.
À son tour, le premier ministre François Legault veut encourager des deals plus commerciaux. Au président Macron, il dit vouloir « donner une nouvelle impulsion aux relations commerciales entre le Québec et la France ». Face à l’isolationnisme trumpien, diversifier les rapports commerciaux du Québec est certes une nécessité.
L’image reprise par M. Legault frappe en effet l’imaginaire. Chaque année, « les échanges France-Québec représentent l’équivalent de trois jours d’activités commerciales entre le Québec et les États-Unis ».
Côté immigration et échanges d’étudiants, force sera aussi d’accélérer la cadence. Le Québec a besoin d’immigrants, y compris ceux et celles dont la connaissance du français est déjà acquise. Il en a d’autant besoin que le français se fragilise dans la grande région métropolitaine.
Bref, dans la plupart des dossiers, l’ère Legault prend forme. Jusqu’à Paris, elle prend son envol.