LE SORT DE L’ÉI LIÉ À CELUI DES CIVILS EN SYRIE
Les djihadistes acculés dans une petite poche d’un demi-kilomètre carré, à l’est, près de la frontière irakienne
AFP | Plus de 40 camions transportant des hommes, mais surtout des femmes et des enfants, ont quitté hier l’ultime réduit du groupe Etat islamique (EI) dans l’Est syrien, sous la supervision des forces arabo-kurdes qui espèrent proclamer bientôt leur victoire contre les djihadistes acculés.
Sur une position des Forces démocratiques syriennes (FDS), près de Baghouz, une équipe de l’AFP a vu passer le convoi à sa sortie de ce village, où l’ÉI est retranché dans une poche d’un demi-kilomètre carré.
À bord des véhicules se trouvent des femmes en niqab noir et des enfants aux vêtements couverts de poussière qui dévorent parfois un bout de pain. Le vent fait voler les cheveux des fillettes, et soulève un pan de niqab, dévoilant une robe bleue.
Des hommes ont le visage dissimulé par une écharpe, d’autres cachent leurs traits avec leurs mains devant les caméras des journalistes. Interrogé sur la situation dans la poche djihadiste, l’un d’eux lâche un laconique « pas bien ».
QUELQUES PÂTÉS DE MAISONS
À Baghouz, les combattants de l’ÉI ne tiennent plus que quelques pâtés de maisons, où ils sont retranchés dans des tunnels, au milieu d’un océan de mines.
Mais des civils y sont toujours présents, principalement des femmes et des enfants de djihadistes, que les combattants kurdes et arabes des FDS, soutenus par la coalition internationale emmenée par Washington, cherchent à faire sortir.
Adnane Afrine, un porte-parole des FDS, estime à plus de 2000 le nombre de personnes encore dans le réduit, sans préciser la proportion de civils.
« Nous attendons la fin des évacuations de civils pour donner l’assaut », a indiqué un autre porte-parole des FDS, Mustafa Bali.
Après une montée en puissance fulgurante en 2014, et la proclamation d’un « califat » sur les régions et les grandes villes conquises en Syrie et en Irak, l’ÉI a vu son territoire se réduire comme peau de chagrin.
À terme, les djihadistes et leurs proches qui refuseraient d’être évacués auront pour seul choix « la guerre ou la capitulation », a souligné M. Afrine.
DJIHADISTES ÉTRANGERS
Mercredi déjà, près de 3000 personnes étaient sorties de la poche de l’ÉI. Elles ont été transportées vers une zone où les FDS les soumettent à des fouilles et des interrogatoires poussés, afin d’identifier les djihadistes potentiels.
La « majorité » de ces personnes étaient des étrangers, a souligné M. Bali. « Principalement des Irakiens, des nationalités issues de l’ex-bloc soviétique, en plus d’Occidentaux », a-t-il précisé.
Depuis début décembre, près de 44 000 personnes, principalement des familles de djihadistes, ont fui le secteur, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
La question des étrangers de l’EI est un casse-tête tant pour les autorités semi-autonomes kurdes, qui réclament leur rapatriement, que pour les Occidentaux, qui rechignent globalement à les reprendre.
Deux cas emblématiques illustrent la complexité du dossier : Hoda Muthana, dont la nationalité américaine est contestée par les États-Unis, et Shamima Begum, déchue de sa nationalité britannique par Londres.
CONDITIONS « TERRIBLES »
De son côté, l’ONG Human Rights Watch (HRW) a appelé à protéger les civils ayant quitté le réduit djihadiste.
Citant des témoignages, HRW évoque des conditions de vie « terribles » ces derniers mois dans ce secteur, « un manque de nourriture et d’aide obligeant [les habitants] à manger de l’herbe et des feuilles pour survivre ».
Une fois sortis de Baghouz, les civils, dont les femmes et les enfants de djihadistes, sont conduits vers des camps de déplacés dans le nordest du pays. Ils arrivent « affamés », « déshydratés » et « nombre d’entre eux attendent des soins médicaux urgents », selon le Comité international de secours (IRC).
TRUMP CHANGE D’IDÉE
Hier, le président américain Donald Trump a finalement accepté de laisser des troupes dans le Nord-Est syrien, dans l’espoir de convaincre des Européens réticents de participer à une force d’observation d’un millier d’hommes pour protéger les alliés kurdes.
« Je ne fais pas machine arrière », a assuré hier M. Trump qui avait annoncé en décembre un retour « immédiat » des quelque 2000 soldats américains engagés dans la lutte contre l’ÉI.
La Maison-Blanche a indiqué jeudi soir que les États-Unis maintiendraient environ 200 soldats dans le Nord-Est syrien.
Déclenché en 2011, le conflit en Syrie s’est transformé en guerre complexe qui a fait plus de 360 000 morts.