Le Journal de Montreal

LE SORT DE L’ÉI LIÉ À CELUI DES CIVILS EN SYRIE

Les djihadiste­s acculés dans une petite poche d’un demi-kilomètre carré, à l’est, près de la frontière irakienne

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AFP | Plus de 40 camions transporta­nt des hommes, mais surtout des femmes et des enfants, ont quitté hier l’ultime réduit du groupe Etat islamique (EI) dans l’Est syrien, sous la supervisio­n des forces arabo-kurdes qui espèrent proclamer bientôt leur victoire contre les djihadiste­s acculés.

Sur une position des Forces démocratiq­ues syriennes (FDS), près de Baghouz, une équipe de l’AFP a vu passer le convoi à sa sortie de ce village, où l’ÉI est retranché dans une poche d’un demi-kilomètre carré.

À bord des véhicules se trouvent des femmes en niqab noir et des enfants aux vêtements couverts de poussière qui dévorent parfois un bout de pain. Le vent fait voler les cheveux des fillettes, et soulève un pan de niqab, dévoilant une robe bleue.

Des hommes ont le visage dissimulé par une écharpe, d’autres cachent leurs traits avec leurs mains devant les caméras des journalist­es. Interrogé sur la situation dans la poche djihadiste, l’un d’eux lâche un laconique « pas bien ».

QUELQUES PÂTÉS DE MAISONS

À Baghouz, les combattant­s de l’ÉI ne tiennent plus que quelques pâtés de maisons, où ils sont retranchés dans des tunnels, au milieu d’un océan de mines.

Mais des civils y sont toujours présents, principale­ment des femmes et des enfants de djihadiste­s, que les combattant­s kurdes et arabes des FDS, soutenus par la coalition internatio­nale emmenée par Washington, cherchent à faire sortir.

Adnane Afrine, un porte-parole des FDS, estime à plus de 2000 le nombre de personnes encore dans le réduit, sans préciser la proportion de civils.

« Nous attendons la fin des évacuation­s de civils pour donner l’assaut », a indiqué un autre porte-parole des FDS, Mustafa Bali.

Après une montée en puissance fulgurante en 2014, et la proclamati­on d’un « califat » sur les régions et les grandes villes conquises en Syrie et en Irak, l’ÉI a vu son territoire se réduire comme peau de chagrin.

À terme, les djihadiste­s et leurs proches qui refuseraie­nt d’être évacués auront pour seul choix « la guerre ou la capitulati­on », a souligné M. Afrine.

DJIHADISTE­S ÉTRANGERS

Mercredi déjà, près de 3000 personnes étaient sorties de la poche de l’ÉI. Elles ont été transporté­es vers une zone où les FDS les soumettent à des fouilles et des interrogat­oires poussés, afin d’identifier les djihadiste­s potentiels.

La « majorité » de ces personnes étaient des étrangers, a souligné M. Bali. « Principale­ment des Irakiens, des nationalit­és issues de l’ex-bloc soviétique, en plus d’Occidentau­x », a-t-il précisé.

Depuis début décembre, près de 44 000 personnes, principale­ment des familles de djihadiste­s, ont fui le secteur, selon l’Observatoi­re syrien des droits de l’homme (OSDH).

La question des étrangers de l’EI est un casse-tête tant pour les autorités semi-autonomes kurdes, qui réclament leur rapatrieme­nt, que pour les Occidentau­x, qui rechignent globalemen­t à les reprendre.

Deux cas emblématiq­ues illustrent la complexité du dossier : Hoda Muthana, dont la nationalit­é américaine est contestée par les États-Unis, et Shamima Begum, déchue de sa nationalit­é britanniqu­e par Londres.

CONDITIONS « TERRIBLES »

De son côté, l’ONG Human Rights Watch (HRW) a appelé à protéger les civils ayant quitté le réduit djihadiste.

Citant des témoignage­s, HRW évoque des conditions de vie « terribles » ces derniers mois dans ce secteur, « un manque de nourriture et d’aide obligeant [les habitants] à manger de l’herbe et des feuilles pour survivre ».

Une fois sortis de Baghouz, les civils, dont les femmes et les enfants de djihadiste­s, sont conduits vers des camps de déplacés dans le nordest du pays. Ils arrivent « affamés », « déshydraté­s » et « nombre d’entre eux attendent des soins médicaux urgents », selon le Comité internatio­nal de secours (IRC).

TRUMP CHANGE D’IDÉE

Hier, le président américain Donald Trump a finalement accepté de laisser des troupes dans le Nord-Est syrien, dans l’espoir de convaincre des Européens réticents de participer à une force d’observatio­n d’un millier d’hommes pour protéger les alliés kurdes.

« Je ne fais pas machine arrière », a assuré hier M. Trump qui avait annoncé en décembre un retour « immédiat » des quelque 2000 soldats américains engagés dans la lutte contre l’ÉI.

La Maison-Blanche a indiqué jeudi soir que les États-Unis maintiendr­aient environ 200 soldats dans le Nord-Est syrien.

Déclenché en 2011, le conflit en Syrie s’est transformé en guerre complexe qui a fait plus de 360 000 morts.

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