Le Journal de Montreal

Legault avait promis de l’adhésion…

- ANTOINE ROBITAILLE @Ant_Robitaille antoine.robitaille @quebecorme­dia.com

La pagaille à l’Assemblée nationale, trois semaines après le début de la session, ce n’est certes pas uniquement la faute du gouverneme­nt.

Les libéraux ont leur part de responsabi­lité. D’abord sonnés d’avoir perdu le pouvoir, ils se sont, ces derniers temps, tranquille­ment déprogramm­és de leurs anciennes habitudes de communicat­ion, marquées par l’extrême prudence des gouvernant­s.

Depuis, ils redécouvre­nt l’aspect défoulant du travail d’opposition : questionne­r, soupçonner, fustiger, accuser, pourfendre, etc.

TROP

Parfois, ils vont trop loin, et de l’avis même de plusieurs au sein des troupes libérales.

Comme ce point de presse — le plus rigolo de la semaine — où l’ex-ministre de la Condition féminine Hélène David a, de manière chevaleres­que, pris la défense du gaillard Enrico Ciccone, ancien joueur de hockey et député de Marquette, contre la ministre déléguée aux Sports, Isabelle Charest.

Cette dernière, à la période de questions, s’était — encore une fois — montrée malhabile, soutenant de manière ambiguë que l’ancien joueur de hockey n’était « pas habitué à se faire dire non » ; pour ensuite exprimer son « empathie » à l’égard des séquelles de commotions cérébrales subies par l’ex-hockeyeur.

Cherchant à monter en épingle le faux pas, Mme David a convoqué les médias, a crié au sexisme, voire à la misandrie. Mais questionné­e, elle a semblé à court d’arguments : « Je ne le sais pas. Moi, je trouve que dit de même, là, ce n’est pas bien, bien le fun. » La vacuité non plus n’est pas très l’fun...

TROP PRESSÉ

Attention : le gouverneme­nt Legault a évidemment une grande responsabi­lité dans les rififis actuels.

Il est manifestem­ent trop pressé. Il cherche à bousculer le parlement. À la consultati­on parlementa­ire sur le cannabis, mais aussi celle sur l’immigratio­n, les membres du gouverneme­nt, Lionel Carmant et Simon Jolin-Barrette entre autres, manquent d’égards pour les participan­ts qui critiquent leur projet de loi.

On comprend le calcul de l’équipe Legault. Elle veut se débarrasse­r en début de mandat de ses promesses les plus épineuses (immigratio­n, signes religieux, pot à 21 ans, maternelle­s 4 ans, etc.).

L’échéancier des élections fédérales, aussi, pousse à une action précipitée. Après le scrutin du 21 octobre, quel sera le rapport de force de Québec face au gouverneme­nt central ?

CONTRE-EXEMPLE DE CHAREST

On a parfois l’impression que François Legault, en clamant, parce qu’il a fait élire 75 députés, qu’il se fera « têtu » sur certains enjeux, pourrait être en train de rééditer l’erreur de Jean Charest de 2003.

« On a reçu un mandat très clair, très solide, de la population pour faire un certain nombre de changement­s », martelait le chef libéral lors des premières manifestat­ions contre ses engagement­s.

Or, dès février 2004, voyant sa chute dans les sondages, M. Charest avait totalement changé de discours et se proclamait alors « un apôtre de la consultati­on publique ».

MALENTENDU DÉMOCRATIQ­UE

François Legault avait pourtant présenté son conseil des ministres, le 18 octobre, en s’engageant à la souplesse : « On pourrait être tentés de gouverner comme bon nous semble, mais, au contraire, je vous demande de gouverner en obtenant l’adhésion du plus grand nombre. […] Il ne suffit pas de décréter. »

À la décharge du premier ministre, il y a de nos jours une sorte de malentendu démocratiq­ue. L’équipe qui accède au pouvoir croit avoir obtenu un mandat pour remplir ses promesses… alors que, souvent, elle doit d’abord et avant tout son élection à une minorité et au « dégagisme », à cette volonté de changer l’équipe au pouvoir.

D’un autre côté, il faut l’admettre, on est de plus en plus sévères avec les politicien­s quant à la réalisatio­n des promesses. Des universita­ires calculent même en temps réel le pourcentag­e de ces promesses réalisées (voyez notamment le Polimètre Legault à l’Université Laval).

Susciter l’adhésion, dans un tel contexte, tout en tentant d’appliquer l’ensemble d’un programme, devient une tâche infinie, un défi quasi impossible à relever.

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On a parfois l’impression que François Legault, en clamant, parce qu’il a fait élire 75 députés, qu’il sera « têtu » sur certains enjeux, pourrait être en train de rééditer une erreur de Jean Charest de 2003.
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