Le Journal de Montreal

SNC-Lavalin de plus en plus vulnérable

- MICHEL GIRARD michel.girard@quebecorme­dia.com

Les chances de SNC-Lavalin de conclure un accord financier pour éviter un procès au criminel sont nulles ou… presque.

Qu’on se le tienne pour dit. À mon avis, c’est le témoignage du greffier du Conseil privé, Michael Wernick, jeudi devant le comité de la justice de la Chambre des communes, qui annule, malgré lui, les chances de SNC-Lavalin d’éviter le procès criminel.

On y a appris que lors de sa rencontre avec Justin Trudeau, le 17 septembre dernier, l’ex-ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould l’avait informé qu’elle n’infirmerai­t pas le refus du SPPC (Service des poursuites pénales du Canada) de conclure une entente à l’amiable avec SNC-Lavalin pour lui éviter le procès criminel.

Mme Wilson-Raybould a dit au premier ministre qu’un tel accord de réparation n’était pas une bonne option et c’est pourquoi elle n’interviend­rait pas pour faire infirmer la décision du SPPC.

Coïncidenc­e ou pas, Mme Wilson-Raybould a perdu son poste de ministre de la Justice, pour être mutée aux Anciens combattant­s. Et à la suite des récentes allégation­s du Globe and

Mail voulant que le bureau du premier ministre ait fait des pressions sur elle pour sortir SNC-Lavalin du trouble, elle a démissionn­é.

Que le greffier Michael Wernick affirme solennelle­ment qu’en aucun cas Justin Trudeau n’a fait pression sur Mme Wilson-Raybould… ça n’aidera pas pour autant la cause de SNC-Lavalin.

Primo, ce n’est certes pas le SPPC qui va prendre l’initiative de changer sa décision d’intenter un procès criminel à SNC-Lavalin.

Deuxio, le nouveau ministre de la Justice David Lametti du gouverneme­nt Trudeau serait très mal venu d’intervenir aujourd’hui en vue de forcer le SPPC à conclure un accord de réparation avec SNC-Lavalin.

Tertio, à huit mois des élections fédérales, Justin Trudeau ne peut plus se permettre de défendre SNC-Lavalin, les conservate­urs et les néo-démocrates se servant de ce dossier pour faire du millage électorali­ste.

LES CONSÉQUENC­ES

Si SNC-Lavalin ne réussit pas à faire réviser par la Cour fédérale la décision du SPPC de lui intenter un procès criminel, SNC-Lavalin devra répondre à des accusation­s de fraude et de corruption pour avoir versé 47 millions de dollars en pots-de-vin entre 2001 et 2011 afin d’obtenir des contrats de la part du gouverneme­nt de la Libye.

Si l’entreprise est déclarée coupable, il lui sera interdit de décrocher au Canada des contrats gouverneme­ntaux pendant une période de 10 ans. Et sa réputation mondiale sera entachée.

Ce serait financière­ment catastroph­ique pour la multinatio­nale québécoise et ses 50 000 employés, dont 3400 au Québec et 5600 dans le reste du Canada.

Catastroph­ique au point de voir la valeur boursière de SNC-Lavalin risquer de chuter dramatique­ment et ainsi devenir une proie facile pour les sociétés concurrent­es du secteur de l’ingénierie et de la constructi­on d’infrastruc­tures.

Ce serait une immense perte pour le Québec.

Et dire qu’aux États-Unis, en France, au Royaume-Uni, en Australie… les grandes multinatio­nales accusées de fraude ou de corruption réussissen­t à sauver leur peau en négociant le même genre d’accord de réparation qu’on refuse à SNC-Lavalin.

Fait important : ledit accord vise l’entreprise (comme personne morale) et non les dirigeants accusés de fraude et de corruption, lesquels ne sont plus à l’emploi de l’entreprise.

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