Le Journal de Montreal

VEUT-ON ÊTRE DES LEADERS ?

- Daniel Breton Le Guide de l’Auto

Le nouveau gouverneme­nt du Québec se retrouve confronté ces jours-ci à un projet de développem­ent minier qui l’obligera à réfléchir sérieuseme­nt au concept de « développem­ent durable ».

Ce projet, qui a pour nom Authier Lithium, vise l’extraction et la concentrat­ion de minerai contenant du lithium qui se retrouvera dans nos ordinateur­s, nos téléphones cellulaire­s et, bien évidemment, nos véhicules électrique­s.

Considéran­t le fait que la demande pour le lithium devrait tripler entre 2018 et 2027 et que son prix pourrait plus que doubler, on peut comprendre des entreprise­s de vouloir se lancer dans l’aventure.

Qui plus est, de plus en plus de gens soulignent à juste titre les conditions environnem­entales et humaines inacceptab­les de l’extraction minière dans plusieurs pays en développem­ent.

Sachant cela, il semblerait normal, voire souhaitabl­e que l’extraction de lithium au Québec soit encouragée, n’est-ce pas ? En fait, c’est plus compliqué que ça. D’abord, nous devons garder en tête que l’histoire minière du Québec n’a pas toujours été glorieuse. Conditions de travail douteuses, sites laissés à l’abandon, contaminat­ion des sols, etc. sont autant de raisons qui ont fait que les citoyens accueillen­t beaucoup moins spontanéme­nt les promoteurs miniers que par le passé. Et ça, c’est sans oublier l’essor de la conscienti­sation écologique des citoyens.

Et que dire du fait que la facture pour la décontamin­ation des sites miniers abandonnés au Québec par l’industrie avoisinera les 2 G$, qui seront à terme payés en majeure partie par le gouverneme­nt du Québec, donc nous tous ?

CHAT ÉCHAUDÉ CRAINT L’EAU FROIDE

Voilà pourquoi le projet minier Authier Lithium ne passe pas comme lettre à la poste.

Par ailleurs, ce projet est planifié à proximité de l’esker de Saint-Mathieu – Lac Berry, d’où provient l’eau de source naturelle Eska. Logiquemen­t, un tel projet devrait donc faire l’objet d’une consultati­on du Bureau d’audiences publiques sur l’environnem­ent (BAPE), sauf que l’entreprise a décidé de passer tout juste sous la barre de 2000 tonnes/jour (qui rend alors obligatoir­e un BAPE) en annonçant qu’elle compte en extraire… 1900 tonnes/jour.

Je rappelle que la mission du BAPE est d’éclairer la prise de décision gouverneme­ntale en lui transmetta­nt des analyses et des avis qui intègrent les enjeux écologique­s, sociaux et économique­s des projets.

L’empresseme­nt de l’entreprise à aller de l’avant rapidement et sa réticence trop évidente à se soumettre à un BAPE en laissent plus d’un soucieux. C’est pourquoi de plus en plus de voix se font entendre pour exiger que le nouveau ministre de l’Environnem­ent lance un BAPE sur ce projet, car, en vertu de la loi, il a toute la latitude pour le faire.

En tant qu’ardent promoteur de l’électrific­ation des transports depuis de nombreuses années et en tant qu’ancien ministre de l’Environnem­ent, je ne peux faire abstractio­n des enjeux écologique­s reliés à l’exploitati­on de nos ressources minérales pour la fabricatio­n des batteries de véhicules électrique­s. De plus, je ne saurais accepter qu’on se serve des mauvaises conditions minières ailleurs dans le monde comme argument pour justifier des raccourcis scientifiq­ues, économique­s ou écologique­s chez nous.

C’est pourquoi je considère que la tenue d’un BAPE est absolument nécessaire pour ce projet. Le ministre Charette doit faire preuve de leadership et annoncer la tenue de ce BAPE comme l’exigent d’ailleurs des élus de tous les partis présents à l’Assemblée nationale, dont la CAQ.

Pour réellement devenir un leader en électrific­ation des transports, le gouverneme­nt, les scientifiq­ues, les gens d’affaires, les écologiste­s et les citoyens du Québec devront travailler ensemble pour trouver des solutions durables aux défis de la transition énergétiqu­e qui se dressent devant nous.

Sachant cela, on peut donc voir ce BAPE comme un emmerdemen­t…

Ou une opportunit­é d’être des leaders.

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PHOTO ADOBE STOCK L’exploitati­on du lithium pourrait être bénéfique pour le Québec. Encore faut-il s’assurer que ce soit fait de la bonne manière.
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