Le Journal de Montreal

Des rapports secrets

Nouvel édifice de Radio-Canada

- CHRISTOPHE­R NARDI – Avec la collaborat­ion d’Émilie Bergeron, Agence QMI

Curieux de savoir comment se déroule la constructi­on de la nouvelle Maison de Radio-Canada, un projet qui coûtera des centaines de millions de dollars au cours des prochaines années ? Eh bien, ce n’est pas de vos affaires, dit le diffuseur public.

Le nouveau quartier général de la société d’État, qui remplacera la célèbre tour brune au coin du boulevard René-Lévesque et de l’avenue Papineau au centre-ville de Montréal, doit être complété d’ici un an.

Radio-Canada (SRC) paiera annuelleme­nt 21 M$ lors des 30 prochaines années pour louer l’édifice flambant neuf érigé par un constructe­ur privé, sans compter les frais d’aménagemen­t intérieur.

Dans les dernières semaines, notre Bureau d’enquête a reçu deux rapports d’audit livrés à la société d’État par la firme Pricewater­houseCoope­rs (PwC).

Ces rapports évaluent la façon dont se déroule le projet ainsi que la gestion des modificati­ons en cours de route (qui comportent parfois des factures salées).

CAVIARDAGE EXCESSIF

Dans un des documents, qui fait 14 pages, seules trois pages n’ont pas été masquées (voir les reproducti­ons ci-dessus).

Quelles sont les problémati­ques et recommanda­tions soulevées par PwC ? Toutes ces informatio­ns sont rayées à l’encre blanche.

Les trois pages de recommanda­tions pour régler des risques allant de « modérés » à carrément « critiques » pour Radio-Canada sont aussi entièremen­t cachées.

Si la direction ne s’attaque pas à ces enjeux, il pourrait notamment y avoir de graves atteintes à la réputation de la SRC ou des répercussi­ons notables sur les revenus, dépenses et même les employés, définit le document.

Parmi les raisons évoquées par Radio-Canada pour cacher ces informatio­ns aux payeurs de taxes, on retrouve notamment la protection des « secrets industriel­s » et la crainte de nuire à la compétitiv­ité ou aux intérêts financiers de la SRC.

Me Michel Drapeau, un spécialist­e de l’accès à l’informatio­n, s’en indigne.

« Je suis en désaccord complet [avec les raisons évoquées par la SRC], a-t-il réagi. Soyons sérieux. La SRC n’est pas en compétitio­n avec personne dans le domaine de la constructi­on d’un nouvel édifice pour abriter ses services. »

ÉTONNEMENT

Radio-Canada invoque également que la loi lui permet de cacher au public des recommanda­tions émises par des fonctionna­ires.

Yan Campagnolo, professeur adjoint à la Faculté de droit à l’Université d’Ottawa, s’en « étonne », puisque les rapports ont été préparés non pas par des fonctionna­ires, mais bien par un sous-traitant.

« Ces [caviardage­s] ne peuvent être invoqués pour refuser la divulgatio­n d’un “rapport” préparé par un “consultant” externe », a-t-il réagi.

LES RÈGLES ONT ÉTÉ SUIVIES

Pour sa part, la société d’État affirme qu’elle suit la loi.

« Les demandes d’accès ont été traitées conforméme­nt aux règles applicable­s […] Si vous n’êtes pas satisfait du traitement de vos demandes, vous pouvez déposer une plainte au Commissari­at à l’informatio­n du Canada », a indiqué par courriel Marc Pichette, premier directeur Relations publiques de la société.

Radio-Canada n’en est pas à son premier refus de divulguer de l’informatio­n qui touche les dépenses effectuées avec des fonds publics.

Le Journal rapportait l’an dernier que la société d’État ne voulait pas dévoiler le coût de la nouvelle police de caractères qu’elle a fait créer sur mesure pour ses documents.

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