Le Journal de Montreal

La censure au nom de la tolérance

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ Blogueur au Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com @mbockcote

Lorsque les militants d’extrême gauche décident qu’un intellectu­el doit être chassé de la place publique, ils sont capables d’un acharnemen­t tout à fait particulie­r. On vient de le voir en France de triste manière. FINKIELKRA­UT

Le philosophe Alain Finkielkra­ut était invité à Science Po, une prestigieu­se école qui joue un grand rôle dans la formation des élites françaises. Il devait prononcer une conférence devant un groupe d’étudiants « souveraini­stes », ce qui, dans un contexte français, veut dire sceptiques devant la constructi­on européenne.

Mais c’était sans compter la présence sur le campus d’un groupuscul­e de militants fanatisés qui a décrété le philosophe persona non grata et qui a annoncé son intention de perturber l’événement.

Finkielkra­ut a beau être un philosophe d’exception, ses contempteu­rs, qui ne l’ont manifestem­ent pas lu, le présentent comme un polémiste raciste d’extrême droite qui aurait déjà exagérémen­t accès à la parole publique et dont il serait légitime de bloquer la venue.

En gros, ces militants se croient en droit de décider qui pourra avoir accès à la parole publique et qui en sera privé, et cela, à partir de préjugés qu’ils prennent pour des idées lumineuses.

Ils occupent une grande école à la manière d’un lieu qui leur appartient, puis promettent de prendre les moyens nécessaire­s pour en expulser ceux qui y exprimerai­ent une philosophi­e étrangère à la leur. C’est au nom de la tolérance et de la diversité qu’ils veulent censurer une perspectiv­e sur la société qui ne recoupe pas leur idéologie.

C’est par amour de l’humanité qu’ils veulent faire taire ceux qui ne pensent pas comme eux.

Cette logique, au vingtième siècle, a conduit au totalitari­sme.

On l’aura compris, les militants d’extrême gauche ne tiennent pas en haute estime la liberté d’expression. Dans leur esprit, elle permet simplement à ceux qu’ils appellent les dominants de tenir des propos qui heurteraie­nt les dominés. La liberté d’expression serait un leurre contribuan­t à normaliser des propos qu’ils jugent inacceptab­les.

Ils prétendent ainsi tracer le périmètre dans lequel doit se tenir la conversati­on publique. Doit-on vraiment s’habituer à cela ? Faut-il concéder à l’extrême gauche la plus intolérant­e le droit de décider qui pourra avoir accès à telle université, telle librairie ou tel colloque ? Faut-il céder devant l’intimidati­on de petits fanatiques qui sont persuadés d’avoir le monopole du vrai, du bien et du juste ? Est-il normal de devoir envisager l’embauche de gardiens de sécurité pour permettre la tenue d’un événement qui déplaît à cette nouvelle catégorie de censeurs ? INTIMIDATI­ON

Les journalist­es qui ne cessent d’enquêter sur l’extrême droite devraient porter attention à l’extrême gauche, qui peut se montrer tout aussi dangereuse, sinon davantage, puisqu’elle bénéficie souvent de la complaisan­ce des milieux médiatique­s et académique­s.

Comme le disait Finkielkra­ut à propos de ses censeurs, ce sont eux, aujourd’hui, qui font taire, qui interdisen­t les livres, qui usent de la violence pour en finir avec les idées qu’ils n’aiment pas. Ce sont eux, aujourd’hui, les vrais fascistes.

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Les vrais fascistes sont aujourd’hui à l’extrême gauche.
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