Le Journal de Montreal

La Caisse nage dans les paradis fiscaux

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La Caisse de dépôt et placement du Québec détient au moins 267 placements dans les paradis fiscaux, pour une valeur de 23 milliards $.

De tous les grands gestionnai­res de fonds publics et de caisses de retraite, la Caisse est l’un des plus friands utilisateu­rs de paradis fiscaux.

Pourquoi la direction de la Caisse recourt-elle aux paradis fiscaux ?

Parce que la Caisse, dit-elle, s’efforce de structurer ses investisse­ments pour limiter l’impôt payable, dans le respect des lois en vigueur.

« Quand une exemption n’est pas disponible, la Caisse s’efforce de structurer ses investisse­ments pour éviter que ses revenus de placement ne soient imposés deux fois — une première fois à l’internatio­nal et une seconde fois au moment du versement des prestation­s aux bénéficiai­res », explique-t-elle dans son rapport « Investisse­ment durable » de 2018.

Et si la Caisse est tellement présente dans les paradis fiscaux, qu’elle surnomme « juridictio­ns à fiscalité réduite », c’est en raison, précise-t-elle, de l’augmentati­on de ses investisse­ments à l’internatio­nal.

En résumé, c’est donc pour notre bien que la Caisse a recours aux paradis fiscaux. Qu’on se le tienne pour dit !

Pour nous rassurer, la Caisse affirme qu’elle « appuie depuis plusieurs années les diverses initiative­s des gouverneme­nts » pour lutter contre l’évasion fiscale. Et elle se vante de jouer « un rôle de premier plan dans la création d’une coalition de pairs investisse­urs internatio­naux autour du thème de la fiscalité », laquelle coalition regroupe 15 caisses de retraite et de fonds souverains.

Voilà pour le « bon » côté des paradis fiscaux.

L’ENVERS DE LA MÉDAILLE

Pendant que la Caisse bénéficie des « vertus financière­s » des paradis fiscaux, le recours auxdits paradis par des entreprise­s et des riches fait perdre des milliards de dollars de revenus fiscaux.

« Le Québec ne fait pas exception à cet égard. Les paradis fiscaux sont au centre d’un certain nombre de manoeuvres d’évitement fiscal touchant directemen­t les revenus de l’État québécois. Ils servent également d’abri pour des revenus que des contribuab­les ont dissimulés pour ne pas acquitter l’impôt dû au Québec. »

C’est l’ex-sous-ministre des Finances, Luc Monty, qui dénonçait de la sorte les paradis fiscaux dans le mémoire qu’il avait déposé en 2015 sur le phénomène du recours aux paradis fiscaux, lequel phénomène génère chaque année des centaines et des centaines de millions $ de pertes fiscales pour le gouverneme­nt québécois.

Qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, tous les politicien­s dénoncent avec force le recours aux paradis fiscaux.

Étonnammen­t, quand il s’agit de la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui détient une tonne de placements dans les paradis fiscaux, le parti au pouvoir fait preuve d’une incroyable tolérance.

Comme si c’était plus raisonnabl­e et défendable qu’un organisme public comme la Caisse brasse des grosses affaires dans les paradis fiscaux à comparer aux entreprise­s et aux riches utilisateu­rs. Cela dit, en réaction à l’article du

Journal (édition du 19 avril 2018) affirmant que des fournisseu­rs de cannabis de la Société des alcools du Québec se finançaien­t par les paradis fiscaux, François Legault émettait le commentair­e suivant sur Twitter : « Comment le gouverneme­nt libéral peut tolérer que la moitié des fournisseu­rs de cannabis utilisent les paradis fiscaux ? »

Maintenant qu’il est au pouvoir, François Legault va-t-il « tolérer », à l’instar de l’ancien gouverneme­nt Couillard, que la Caisse utilise les paradis fiscaux pour financer les organismes et régimes de retraite à la solde du gouverneme­nt du Québec ? J’ai bien hâte de connaître sa réponse!

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