Les jeux vidéo sont bienvenus en classe
Le ministre invite les écoles à adopter une « attitude » positive vis-à-vis de l’éducation numérique
Faire jouer les élèves à des jeux vidéo en classe ou les inviter à participer à des forums de discussion en ligne fait partie des exemples donnés dans le plan du ministre de l’Éducation dévoilé hier.
Utiliser le jeu vidéo peut être une bonne idée s’il sert à « exploiter des repères historiques, littéraires ou graphiques en lien avec sa discipline ».
C’est ce qu’on peut lire dans le document qui servira de repère en éducation numérique dans les écoles et qui a été accueilli de façon mitigée par les auteurs et chercheurs hier.
« On pourrait se dire : “Ce n’est pas le rôle de l’école d’amener les jeunes à jouer à des jeux vidéo.” Mais ce serait un peu de regarder en surface », a expliqué le ministre Jean-François Roberge lors du dévoilement à Montréal. « Quand les écoles choisissent ça, c’est qu’ils ont réfléchi à la question. Ils ne font pas jouer à n’importe quoi n’importe comment. »
DES ÉLÈVES AVEC DIFFICULTÉS
Le guide présente 12 compétences que les enseignants et les élèves devront développer pour être prêts à vivre dans un monde de plus en plus numérique.
« Quand l’eau monte, il faut apprendre à nager », a résumé le ministre.
Le document donne l’exemple de la réalité virtuelle utilisée pour enseigner l’histoire. Ou encore du recours à des logiciels spéciaux pour les élèves qui ont des difficultés visuelles.
Ce cadre ne dira pas « quoi faire ou ne pas faire » et ne devrait pas occasionner de surcharge de travail pour les profs, a précisé le ministre.
« C’est plutôt une attitude face au numérique » qui est souhaitée. Et pour concrétiser le tout, « leur donner des opportunités de formation et du budget pour acheter de l’équipement » technologique.
« J’ai mal au coeur en lisant [le référentiel] », réagit Réjean Bergeron, professeur de philosophie au cégep Gérald-Godin et auteur du livre L’éducation amnésique.
Il s’inquiète notamment de voir des élèves qui sortent du secondaire et être incapables de se décoller de leur cellulaire.
Pour lui, ce guide ne fait pas assez de place à « l’hygiène numérique », alors que des chercheurs voient désormais le temps d’écran grandissant des jeunes comme un enjeu de santé publique.
« DÉFICIT NUMÉRIQUE MAJEUR »
Mais pour Normand Landry, professeur à la TÉLUQ et chercheur en éducation aux médias, il était grand temps que Québec sorte un tel cadre de référence.
Le système scolaire québécois a un « déficit numérique majeur » à rattraper, rappelle-t-il.
Le document mentionne en effet l’idée d’amener les jeunes à réfléchir à l’impact du numérique sur eux-mêmes et les autres et de développer une pensée critique et éthique par rapport à la technologie.
Pour ce qui est de l’exemple des jeux vidéo en classe, M. Landry répond : « Pourquoi pas ? Cela fait partie des intérêts et pratiques des jeunes. »
Il croit à l’importance « d’outiller » plutôt que de moraliser.
M. Landry s’inquiète toutefois de voir des entreprises technologiques privées faire leur entrée dans les classes, où il y aura de gros sous à faire. Une réflexion devrait donc être amorcée pour assurer « l’indépendance numérique » des écoles.
De son côté, le ministre compare les compagnies technos aux maisons d’édition qui vendent déjà des livres aux écoles et s’en remet au bon jugement des profs et conseils d’établissement.