6 millions $ pour sortir de prison
L’ex-PDG de Renault-Nissan, Carlos Ghosn, libéré
TOKYO | (AFP) L’ex-PDG de Renault-Nissan Carlos Ghosn est sorti de prison à Tokyo dans la soirée d’hier, libéré sous caution, mais dans des conditions strictes, avec notamment l’interdiction de voir son épouse sans l’autorisation préalable du tribunal.
« Restreindre les communications et le contact entre ma femme et moi est cruel et inutile », a réagi M. Ghosn dans un communiqué en anglais diffusé par ses avocats.
Le tribunal de Tokyo chargé de l’affaire avait à la mi-journée accepté sa requête en vue de sa libération, mais le bureau des procureurs avait aussitôt fait appel, jugeant « regrettable » que le juge ait donné son feu vert « en dépit de crainte de destruction de preuves ».
Ce recours a été rejeté quelques heures plus tard et sa libération a été en vigueur peu après.
L’ex-PDG de Renault-Nissan est sorti à 22 h 22 (13 h 22 GMT) d’un pas assuré, encadré par des gardiens, portant un costume sans cravate, sous les flashes des appareils photo, avant de monter dans un véhicule noir, selon des journalistes sur place.
STRICTES CONDITIONS
L’image tranchait avec celle de sa première libération sous caution le 6 mars : il était alors apparu déguisé, coiffé d’une casquette bleue, dans un uniforme d’ouvrier de voirie, le visage caché par des lunettes et un masque de protection blanc, un accoutrement qui avait fait de lui la risée des médias, alors même qu’il visait à duper les journalistes massés devant la prison.
L’avocat à l’origine de ce scénario avait dû ensuite présenter ses excuses pour cet « échec » qui avait terni la réputation de son illustre client.
L’homme de 65 ans, magnat de l’automobile déchu, qui était retourné dans le centre de détention de Kosuge (nord de Tokyo) début avril après une nouvelle arrestation surprise, a dû payer une deuxième caution, cette fois de 500 millions de yens (six millions de dollars canadiens).
Carlos Ghosn s’était déjà acquitté d’une grosse somme – un milliard de yens – pour obtenir le droit de quitter la prison le 6 mars ; il y avait passé 108 jours dans la foulée de son interpellation initiale le 19 novembre dernier pour des malversations financières présumées.
L’ancien grand patron est désormais à l’air libre, mais il est soumis à de strictes conditions : « assignation à résidence, interdiction de quitter le Japon et autres conditions visant à empêcher la destruction de preuves et les fuites », a précisé le tribunal.
Surtout, il n’a le droit de voir son épouse que « si le tribunal approuve une requête » en ce sens, a expliqué son avocat, Me Junichiro Hironaka, à la presse. Carole Ghosn, dans le viseur des procureurs pour son rôle supposé dans un des volets de l’affaire, est en outre soupçonnée par la poursuite d’avoir contacté des protagonistes du dossier.
Si un nouveau rebondissement n’est pas à exclure dans cette affaire hors normes, qui a vu la chute d’un des plus puissants PDG de la planète au moment où il s’apprêtait à tirer sa révérence, la dernière mise en examen de Carlos Ghosn semble clore les enquêtes de la poursuite.
LA JUSTICE CRITIQUÉE
Ce dirigeant franco-libano-brésilien est sous le coup de quatre inculpations : deux pour des dissimulations de revenus dans des documents boursiers et deux pour des cas différents d’abus de confiance aggravé.
La dernière affaire, la plus sérieuse aux yeux des experts, porte sur des détournements de fonds présumés de Nissan, d’un montant de cinq millions de dollars, selon le bureau des procureurs.
Face à ce qu’il qualifie d’« acharnement judiciaire », M. Ghosn a usé de plusieurs moyens – entretiens avec quelques médias, communiqués, comparution à sa demande devant un tribunal – pour clamer son innocence et dénoncer un « complot » ourdi par Nissan à son encontre.