Alegria séduit encore
Même s’il a déjà 25 ans, le spectacle du Cirque du Soleil n’a pas pris une ride
Le Cirque du Soleil célèbre les 25 ans d’un de ses spectacles les plus marquants, Alegria, en lui redonnant vie sous chapiteau, dans une version remaniée et actualisée au goût du jour. Tantôt puissante, tantôt légère, la relecture s’avère tout à fait réussie.
C’est bien davantage la chanson emblématique de la production que ses différents tableaux qui a marqué les mémoires lors de la mise au monde d’Alegria, en 1994, et traversé le temps. L’air a été sélectionné pour un prix Grammy en 1995 et s’est frayé un chemin dans le répertoire des radios commerciales au même titre que n’importe quel tube de vedette populaire.
Or, la fresque revêt un caractère suffisamment majestueux pour justifier sa relance et sa modernisation.
L’histoire d’Alegria – une lutte des classes et de pouvoir après la disparition d’un roi qui a laissé son peuple dans l’incertitude – prend difficilement relief et ne se déduit pas facilement dans l’enchaînement.
Celui-ci comprend de surcroît plusieurs grands intermèdes clownesques comiques (comme dans d’autres créations du Cirque du Soleil), qui hachurent la fluidité du récit et causent une fréquente rupture de ton, même s’ils sont adorables et sympathiques.
Or, on n’aura nullement besoin de connaître la trame en profondeur pour se délecter de l’ambitieux déploiement visuel d’Alegria. Assemblés, les costumes – évocateurs de poussière et de misère comme de finesse et de dentelle – de Dominique Lemieux, les maquillages de Nathalie Gagné, la scénographie de Anne-Séguin Poirier et, évidemment, les musiques de René Dupéré, arrangées par Jean-Phi Goncalves, offrent une expérience charmante à maints points de vue.
FEU ET NEIGE
Les portions de la « danse du feu » (remarquable, qui a « enflammé » les gradins de joie, sans mauvais jeu de mots, jeudi, l’odeur de la flamme ajoutant à l’expérience scénique) et celle de la fausse tempête de neige (de confettis !), qui n’a rien à envier au Slava’s Snowshow, juste avant l’entracte, sont de véritables bijoux à regarder, qui émeuvent en plus de divertir.
Plusieurs autres acrobaties frappent aussi l’imaginaire : au premier numéro, qui suggère un rassemblement de la population, les sauts aux acro pôles épatent. Idem pour les sangles aériennes en deuxième partie, qui nous font entendre la « chanson bénie » pour la première fois de la représentation. La prouesse de roue croisée en solo a de quoi donner le tournis même aux coeurs les plus accrochés. Toujours envoûtantes, les envolées de trapèzes ont généré une réaction enthousiaste au parterre, jeudi.
La finale, sur fond de main à main et de barres aériennes, provoque plusieurs poussées d’exclamations.
Quelques scènes sont longues. Certains y verront un manque de rythme ; d’autres, une langueur assumée. Alegria prend son temps et revendique d’installer pleinement ses contextes. Un choix possiblement conscient et décidé du metteur en scène Jean-Guy Legault, qui a retravaillé le squelette qu’avait conçu Franco Dragone il y a 25 ans.
Moins ludique que Luzia ou Corteo , par exemple, et moins survoltée que Volta, l’oeuvre n’est peut-être pas la plus accessible du répertoire du Cirque du Soleil, mais impressionne quand même par son caractère grandiloquent et poétique.
Alegria est présentée à Montréal jusqu’au 21 juillet, et se déplacera à Gatineau à compter du 1er août (cirquedusoleil.com).