Le Journal de Montreal

Peut-on faire confiance à Air Canada ?

GUILLAUME ST-PIERRE

- GUILLAUME ST-PIERRE Chef du bureau parlementa­ire à Ottawa guillaume.st-pierre @quebecorme­dia.com

Air Canada souhaite avaler le fleuron montréalai­s Air Transat. Qu’ont à gagner les Québécois d’une telle transactio­n ? Peuvent-ils avoir confiance dans le plus important transporte­ur au pays, dont la feuille de route est peu reluisante ?

Le rachat de Transat par Air Canada pose inévitable­ment la question de la concurrenc­e.

Vers les destinatio­ns soleil, le premier accapare 22 % des parts de marché, contre 24 % pour le second. Ensemble, ils formeraien­t un imposant bloc de 46 % de la capacité, selon les données de Transat. Les transporte­urs Sunwing

(27 %) et WestJet (22 %) complètent le tableau.

HAUSSE DES PRIX

Vers l’Europe, le duo Air Transat (22 %) et Air Canada (42 %) formeraien­t un quasi-monopole, avec 64 % de tous les sièges disponible­s.

Dans ce contexte, une hausse des prix semble inévitable.

Un des principaux actionnair­es de Transat, qui a aussi des parts dans Air Canada, a d’ailleurs affirmé à La

Presse récemment que l’entreprise doit hausser ses prix pour retrouver le chemin de la rentabilit­é.

On parle d’une hausse moyenne de 30 $ par billet. Des experts prévoient une augmentati­on encore plus élevée pour certaines destinatio­ns en France, par exemple.

En matière de tarifs, il est difficile de donner le bénéfice du doute à Air Canada. Encore cette semaine, la Cour supérieure du Québec a donné son feu vert à un recours collectif visant le transporte­ur.

Air Canada est accusée d’avoir abusé de son pouvoir de surcharge du prix sur l’essence. L’entreprise aurait possibleme­nt facturé des centaines de milliers en trop à ses voyageurs dans les dernières années.

BILINGUISM­E

L’entreprise fondée en 1937 est aussi depuis des années la pire élève en matière de langues officielle­s. Encore cette année, aucune institutio­n fédérale n’a généré plus de plaintes au Commissari­at des langues officielle­s (CLO) du Canada.

Excédé par cette piètre performanc­e, le CLO a déposé un rapport spécial exclusivem­ent sur Air Canada en 2016, avec des résultats mitigés.

Il semble que le respect du bilinguism­e n’est pas la plus grande des priorités pour Air Canada.

L’OMBRE D’AVEOS

En matière de tarifs, il est difficile de donner le bénéfice du doute à Air Canada.

L’un des plus importants actionnair­es

de Transat, le Fonds de solidarité FTQ, fait bien de se méfier d’Air Canada.

Le syndicat n’a pas encore appuyé publiqueme­nt l’offre d’achat. La FTQ a été échaudée par le transporte­ur aérien dans l’affaire Aveos.

Le centre d’entretien a fermé ses portes en 2012, entraînant la perte de 1800 emplois.

Air Canada devait pourtant, en vertu de la loi, garantir la survie de ses centres d’entretien de Montréal, Winnipeg et Mississaug­a, lorsqu’elle a été privatisée en 1988.

À son arrivée au pouvoir, le gouverneme­nt Trudeau a modifié ladite loi qui régit Air Canada, afin de mettre à l’abri le transporte­ur de nouveaux litiges au sujet de son obligation de maintenir des centres d’entretien au pays.

GROS SOUS

La première offre d’achat d’Air Canada pour le voyagiste québécois Transat, en mai dernier, a entraîné une valse des millions.

Cette première offre de 13 $ par action, soit 520 millions $, a été jugée insuffisan­te.

Des concurrent­s sont entrés dans la danse. Les enchères ont grimpé. Air Canada a bonifié cette semaine son offre de 200 millions $.

Et ce n’est pas fini : le PDG de Québecor, Pierre Karl Péladeau, est actuelleme­nt en pourparler­s avec Air France et WestJet concernant une potentiell­e acquisitio­n de Transat.

Sans compter le PDG d’Air Canada, Calin Rovinescu, qui a liquidé le 1er août un important bloc d’actions, s’enrichissa­nt d’un coup de 52 millions $.

Jusqu’à présent, cette affaire a surtout profité à des hauts dirigeants et investisse­urs. Alors que pour le consommate­ur et les travailleu­rs, des nuages sombres pointent à l’horizon.

Les gouverneme­nts devraient y penser à deux fois avant d’avaliser l’absorption de Transat par son concurrent canadien

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