L’industrie touristique du Québec à bout
En raison de la pénurie de main-d’oeuvre, bien des commerçants finissent la saison « la langue à terre »
Le propriétaire du Manoir Charlevoix, Jacques Rioux, n’a pas le choix d’aider ses préposés avec le ménage des chambres.
Les travailleurs du domaine du tourisme au Québec terminent l’été épuisés. Leurs employeurs n’ont jamais réussi à résorber la pénurie de main-d’oeuvre qui frappe l’industrie de plein fouet depuis ce printemps.
Employés et patrons ont donc dû redoubler d’ardeur pour survivre à la crise, cumulant les heures supplémentaires et utilisant leur imagination, selon la dizaine de propriétaires et représentants du milieu interrogés.
Le tout en essayant, tant bien que mal, de ne pas affecter la qualité des services. Une réalité encore plus vraie en région que dans les grands centres.
« Les gens ont la langue à terre », concède Marjolaine de Sa, directrice générale de l’Association hôtelière de la région de Québec.
20 000 EMPLOIS À POURVOIR
En mai dernier, Le Journal rapportait que l’industrie sonnait l’alarme, faisant face à une importante pénurie de main-d’oeuvre, la pire en 10 ans dans la province.
On révélait que les trois quarts des 20 000 emplois alors à pourvoir se situaient en hébergement et en restauration.
Ces postes n’ont pas été pourvus depuis. Les hôteliers et restaurateurs questionnés par Le Journal ont usé de créativité pour s’adapter, en présentant entre autres de nouvelles aubaines, des menus et des horaires réduits, etc.
Certains ont augmenté le salaire de leurs employés, comme Jacques Rioux, propriétaire du Manoir Charlevoix. Ce dernier voulait s’assurer de « garder son monde », et ainsi s’éviter un problème d’embauches.
« On gruge dans le peu de profits, et on donne moins de services, se désole l’homme d’affaires. On trouve toujours des dépenses à couper. »
N’ayant pas d’autres choix, il effectue lui-même au quotidien l’entretien de ses 30 chambres pour aider son personnel essoufflé. Une réalité qui ne lui serait pas unique.
« Ce n’est plus rare qu’on entende qu’un cadre fait le ménage sur les étages », soutient Marjolaine de Sa.
FERMETURES FORCÉES
Pire encore, des restaurants en Abitibi-Témiscamingue ont complètement fermé leurs portes pendant les vacances de la construction, faute de personnel.
« Ce sont des semaines de terrasse [avec plus de places assises], c’est sûr que ça affecte nos profits. En région, c’est assez fréquent. Ça devient trop compliqué à gérer, regrette Maxime Flingou, propriétaire du restaurant Le Flingou, à Amos. Maintenant, on ferme aussi les lundis. »
La situation ne s’avère pas plus gaie à 1600 km de là, à Natashquan, au Nord-du-Québec.
« Nos employés ont deux ou trois emplois chacun dans les attraits touristiques pour combler le manque, note Laurent Desjardins, gestionnaire du Café L’Échouerie, dont les heures d’ouverture varient selon l’achalandage. C’est énorme, l’impact de la pénurie sur le service. Notre menu est très simple. Avant, on avait un chef, maintenant, on ne peut servir que des à-côtés. »
Les différents acteurs de l’industrie affirment que ces alternatives ont eu un impact négatif sur leurs profits, sans toutefois pouvoir en chiffrer l’ampleur pour le moment. La haute saison touristique se termine dans quelques semaines.
« ET ON ON GRUGE DONNE DANS MOINS LE PEU DE SERVICES. DE PROFITS, ON TROUVE TOUJOURS DES DÉPENSES À COUPER. » – Jacques Rioux