Le Journal de Montreal

Dompter sa violence intérieure

APRÈS AVOIR AGRESSÉ SA COPINE, IL CHERCHE DE L’AIDE

- MAGALIE LAPOINTE breakdance « J’AI LONGTEMPS CARBURÉ À LA VIOLENCE. C’ÉTAIT MON OUTIL DE PROTECTION, MON ARMURE. JE NE SAVAIS PAS QUI J’ÉTAIS SANS MA VIOLENCE »

« Cette femme [une de ses ex-copines] mérite tout ce qu’elle veut [dans la vie]. Elle ne méritait pas ma rage, que j’avais accumulée depuis tant d’années. C’est elle qui a reçu toutes mes accumulati­ons. Maintenant, je lui souhaite la plus belle des vies », lance l’homme de 34 ans.

David Chan accepte de lever le voile sur le calvaire qu’il a fait vivre à celle qu’il aimait, dans l’espoir d’inciter d’autres personnes violentes à prendre conscience qu’ils ont le devoir d’aller chercher de l’aide.

À première vue, David Chan n’a rien de bien différent des autres hommes de son âge.

Il mène une vie de banlieue rangée dans sa maison de Brossard. Il travaille chez Costco en tant que commis. Dans ses temps libres, il enseigne le dans un studio de la Rive-Sud.

Derrière ce visage souriant et passionné se cache un passé trouble, ponctué de violence.

ÉTIQUETTE À PORTER

« C’est une étiquette [celle d’agresseur] qui est sur moi. Ce n’est pas facile. Ça ne me dérange pas d’en parler. Je veux prouver aux gens que ce n’est plus moi », assure-t-il.

« Ç’a déjà été moi, admet-il. Je l’ai accepté. Je me suis pardonné. Maintenant, j’ai changé et je dois bouger. »

David Chan a passé la plus grande partie de sa jeunesse à Montréal et à Brossard, sur la Rive-Sud.

Ses parents se séparent lorsqu’il est âgé d’à peine deux ans. Il est élevé principale­ment par sa mère. Ce n’est qu’à 14 ans qu’il emménage avec son père.

Mais il n’est jamais bien loin de son frère de quatre ans son aîné qui a toujours été son meilleur ami. Son mentor.

N’empêche que M. Chan raconte avoir assisté à de nombreuses scènes violentes pendant son enfance. Assez pour vouloir enfouir ces souvenirs très loin et ne plus jamais y repenser. Du moins, c’est ce qu’il croyait… Jusqu’à ce qu’il réalise que lui-même était très agressif et impulsif.

SIGNAL D’ALARME

Une fois adulte, David Chan vit une relation trouble avec une copine dont il était intensémen­t amoureux.

Après seulement quelques mois de fréquentat­ion, il a déjà levé la main sur elle à trois reprises.

Il ne se comprend plus lui-même. Il sait très bien que peu importe la situation ou les mots que sa blonde pouvait lui avoir dits, personne ne méritait de se faire gifler. Jamais.

Un signal d’alarme s’allume en lui. Troublé, malheureux, honteux et surtout rongé par la culpabilit­é, David Chan décide alors, de lui-même, d’aller suivre une thérapie de groupe.

L’organisme Entraide pour hommes, sur la Rive-Sud de Montréal, s’avère une révélation pour lui. Une bouée à laquelle s’accrocher.

C’est grâce à ce groupe d’entraide qu’il réalise avoir été lui-même victime de violence. Et, qu’il a besoin d’aide pour faire cesser le cycle de la violence.

Il s’engage alors dans une première thérapie de 20 semaines qu’il compare à « sa médication ».

LE FOND DU BARIL

Mais après seulement neuf semaines de thérapie, il touche le fond du baril. Il serre le cou de sa copine.

C’en est trop pour elle, qui met un terme à leur relation peu de temps après. C’était la meilleure chose à faire, admet le danseur, avec le recul.

Désormais seul, David Chan est convaincu qu’il ne réussira jamais à dompter la violence qui l’habite. Ce dernier épisode de violence imposé à son ex-copine en est la preuve, croit-il.

Un peu à la manière d’un toxicomane, il craint ne pas pouvoir vivre sans « sa drogue », c’est-àdire la violence.

Malgré tout habité d’une volonté de grandir et changer, il n’abandonne pas pour autant les séances de groupe.

« Tout le long de la séance après l’événement, je ne faisais que pleurer. J’étais découragé », raconte-t-il.

Puis, il comprend certaines choses, au fil des témoignage­s d’autres hommes comme lui, entendus en thérapie.

Semaine après semaine, il réalise que plusieurs d’entre eux avaient réussi à se bâtir une nouvelle vie exempte de violence, malgré les embûches rencontrée­s. Et plusieurs avaient eux aussi déjà rechuté.

« Entraide pour hommes m’a appris à mieux m’exprimer, à bien comprendre c’était quoi la communicat­ion entre deux personnes. C’est facile de dire que lui ou lui est un agressif, mais quand ça t’arrive, c’est difficile à gérer, si tu n’es pas bien outillé », affirme-t-il.

Depuis, tout comme un alcoolique ou un joueur compulsif, David Chan apprend au quotidien à gérer ses démons intérieurs.

« J’ai longtemps carburé à la violence. C’était ça mon essence. La première journée de thérapie, je me suis demandé qui j’étais sans cette colère, sans cette rage. Ça me faisait peur de me dire que je n’avais plus besoin de ça pour me protéger. C’était mon outil de protection. C’était mon armure. Je ne savais pas qui j’étais sans ma violence, lance-t-il. On m’a appris qui j’étais [en thérapie]. »

Ce passé est maintenant derrière lui, assure-t-il. Même qu’il peine à croire avoir déjà été l’acteur principal de différente­s scènes d’horreur. Il est convaincu qu’il ne lèvera plus jamais la main sur une femme. Il sait cependant qu’il trimera toute sa vie pour contrôler son côté explosif.

Il apprend à gérer son impulsivit­é et sa rage au quotidien avec les outils qu’on lui a enseignés.

Maintenant, lorsqu’il est en colère, il se retire, respire, danse.

La danse l’aide énormément. Lorsqu’il voit les jeunes danser, il est heureux. C’est sa passion. C’est palpable. Il aimerait que chacun de ses élèves croie en lui. Il souhaite leur bonheur, mais aussi il essaie de leur enseigner à semer du bon autour d’eux.

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