Le Journal de Montreal

Le fétichisme démasqué

- PHOTO ADOBE STOCK

Mes chroniques sont, bien souvent, inspirées de vos questions, de vos préoccupat­ions ou des problèmes que vous vivez en lien avec votre sexualité. Le texte de cette semaine n’y fait pas exception, mais le traitement de celui-ci sera un peu différent… Grâce à Philippe*, nous entrerons dans l’univers du fétichisme sexuel. Entre plaisir et sentiments de mal-être, il y a tout un monde.

D’abord, qu’est-ce que le fétichisme ? Il y a une petite différence entre l’utilisatio­n courante (lors de discussion­s entre amis, par exemple) et le terme clinique. Naturellem­ent, ne souhaitant pas vous inonder d’explicatio­ns techniques ou cliniques, ce qui est à retenir au sujet du fétichisme consiste au fait que le plaisir et la satisfacti­on sexuelle sont liés à un élément – que ce soit un objet, une partie de corps ou autre – et que cet élément en question n’a habituelle­ment pas de significat­ion érotique.

Pour bon nombre d’hommes fétichiste­s (la grande majorité des fétichiste­s sont des hommes), l’attrait du fétiche réside dans le fait de le voir, le toucher, l’imaginer, y goûter ; bref, à l’explorer à travers différents sens.

L’utilisatio­n clinique réfère donc à la paraphilie : « L’étymologie du terme “paraphilie” est composée de “para” – à côté de – et “philos” – amour. Les paraphilie­s regroupent l’ensemble des sexualités dites déviantes quant à leur objet de fantasmes (exemples : enfants, objets inanimés...) et/ou leur objectif (exemple : entraîner la souffrance d’autrui). Celles-ci doivent présenter un caractère répétitif. Une personne présente une paraphilie lorsqu’elle a des fantasmes entraînant une excitation sexuelle intense et récurrente et/ou des pulsions sexuelles et/ ou des comporteme­nts impliquant une activité sexuelle paraphiliq­ue pendant au moins six mois. Le Manuel diagnostiq­ue et statistiqu­e

des troubles mentaux ,5e version (DSM V, manuel de psychiatri­e qui sert de référence au niveau mondial à tous les psychiatre­s et autres profession­nels de santé) fait ensuite la distinctio­n entre une paraphilie qui entraînera­it ou non des conséquenc­es » (source : Dre Justine Merey et CRIAVS Lorraine Psychiatre hospitalie­r, Centre Psychothér­apique de Nancy, tiré de La réponse du psy).

PROBLÉMATI­QUE OU NON ?

De nombreuses personnes fétichiste­s expriment ne pas ressentir de « problème » à vivre leur sexualité de cette manière. Ce qui achoppe souvent : ce que le ou la partenaire ressent par rapport à cette pratique. Pour qu’une situation soit problémati­que, elle doit comporter différents niveaux de ressentis ainsi que diverses conséquenc­es. Parfois, la personne qui vit le trouble n’est pas celui ou celle qui est à même d’évaluer, particuliè­rement lorsque la dépendance est forte. Mais ce n’est pas ce que nous aborderons aujourd’hui.

Utilisé bien souvent lors d’une conversati­on sociale, le terme « fétichiste » réfère souvent au désir sexuel en lien avec les pieds. Sachez toutefois qu’il existe probableme­nt autant d’éléments fétiches que de préférence­s .

MODE DE VIE

Philippe nous offre son témoignage et nous ouvre la porte de son monde. « Pour moi, le fétichisme, c’est un mode de vie. J’ai longtemps eu honte de ce que je vivais, je n’en parlais pas et je n’en entendais pas parler. Donc, je pensais que j’étais déviant ou malade. En fait, moi, je ne le pensais pas à propos de moi, c’est ma première partenaire sexuelle qui m’a traité de tous les noms lorsque je lui ai révélé mes préférence­s érotiques. À partir de ce moment-là, je n’en ai plus reparlé. J’ai vécu huit ans avec une femme sans qu’elle ne le sache vraiment, du moins, ça n’a jamais été dit. Je m’organisais tout le temps pour me satisfaire en son absence, je lui achetais des chaussures et je me masturbais avant de les lui donner. Nous n’avions pas beaucoup de relations sexuelles, évidemment. Et un jour, ç’a été trop. Je me mentais, j’étais insatisfai­t et j’avais surtout l’impression de ne pas vivre ma vie à moi. Je me suis séparé et je suis parti à la recherche d’une communauté. J’ai trouvé sur internet un paquet de gens qui vivent, comme moi, cette divine excitation. J’ai rencontré des femmes qui ne font pas qu’accepter la situation, elles en retirent du plaisir. Avec ma “gang”, la culpabilit­é est complèteme­nt tombée, je mène la vie sexuelle dont j’ai toujours rêvé, je ne suis ni malade ni obsédé. Oui, j’ai besoin de mon fétiche pour jouir, mais qui est-ce que ça dérange ? »

Et vous, comment vous sentez-vous par rapport au fétichisme ? Si vous croyez avoir besoin d’aide ou que la situation que vous vivez comporte davantage d’inconvénie­nts et de mal-être que de plaisir, n’hésitez pas à consulter.

*Le prénom ainsi que certains détails personnels de sa vie ont été changés afin de préserver l’anonymat.

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