Le Journal de Montreal

Les trop-perçus ne seraient pas un cadeau

Le gouverneme­nt dissimuler­ait la vérité sur Hydro

- JEAN-FRANÇOIS BLAIN Chercheur PASCAL DUGAS BOURDON

Le cadeau fait par le gouverneme­nt Legault visant à rembourser les trop-perçus d’Hydro-Québec risque plutôt de coûter 500 millions $ de plus aux Québécois, juge l’Institut de recherche et d’informatio­ns socio-économique­s du Québec.

« C’est de la poudre aux yeux. Le gouverneme­nt Legault dissimule une pseudo-remise que nous considéron­s comme complèteme­nt fictive », a indiqué au Journal Jean-François Blain, coauteur de l’étude publiée ce matin.

Le ministre de l’Énergie Jonatan Julien déposait en juin un projet de loi qui prévoit notamment le gel des tarifs d’électricit­é pour l’année 2020 et leur indexation à l’inflation pour les quatre années suivantes, afin de compenser les trop-perçus des dernières années.

PAS UN CADEAU

Grâce à ce gel des tarifs pendant un an, le gouverneme­nt Legault juge qu’il fera économiser un milliard de dollars aux Québécois après cinq ans, ce qui compensera en partie les trop-perçus d’Hydro-Québec. Or, selon l’institut de recherche de gauche, ce gel aurait eu lieu même sans l’adoption éventuelle du projet de loi.

« On est presque convaincus que si la Régie avait décidé des tarifs pour l’année 2020, on aurait eu l’équivalent du gel tarifaire annoncé par le gouverneme­nt Legault, voire même mieux », a indiqué M. Blain.

En ce qui concerne les tarifs des années 2021 à 2024, qui seront fixés à l’inflation (1,7 %), l’IRIS juge que la Régie aurait probableme­nt offert un taux plus favorable pour les clients.

« Le gouverneme­nt se base sur l’augmentati­on moyenne des tarifs des 17 dernières années, pendant laquelle la Régie fixait les tarifs. Mais au cours des quatre dernières années, la Régie a accordé en moyenne 0,65 % d’augmentati­on, soit moins que la moitié de l’inflation », a précisé M. Blain.

Ce dernier croit d’ailleurs que la reprise des activités de l’Aluminerie de Bécancour (ABI), l’entrée en service des entreprise­s de cryptomonn­aie et la croissance soutenue du nombre d’abonnés résidentie­ls auraient poussé la Régie à limiter l’augmentati­on des tarifs bien en deçà de l’inflation.

En somme, « la propositio­n gouverneme­ntale [d’augmenter les tarifs dès 2021 selon l’inflation] va générer 500 millions $ de plus de revenus que si l’on avait laissé la Régie exercer ses compétence­s », a résumé le chercheur.

REVENUS DE L’ÉTAT

« C’est assez évident que le gouverneme­nt Legault, avec ce projet de loi là, essaie de mettre en place les conditions pour obtenir plus de revenus d’Hydro-Québec au détriment des clients québécois qui sont captifs du monopole », a également dit M. Blain.

Cette possible augmentati­on des revenus va probableme­nt profiter aux dirigeants de la société d’État, croit l’IRIS.

« [L’adoption du projet de loi] risque d’être une bonne nouvelle pour les bénéfices d’Hydro-Québec […] et donc pour les bonis à la performanc­e versés aux dirigeants d’Hydro admissible­s. »

Quant aux 500 millions $ de trop-perçus que le gouverneme­nt s’engage à redonner aux clients en 2020, l’IRIS juge que la loi actuelle aurait de toute façon obligé Hydro à le faire progressiv­ement au cours des cinq prochaines années.

Newspapers in French

Newspapers from Canada