Le Journal de Montreal

Jason Kenney : le fossoyeur du Canada

- FATIMA HOUDA-PEPIN Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère fatima.houda-pepin@quebecorme­dia.com

Jason Kenney, premier ministre de l’Alberta, a été élu le 16 avril dernier. Ses ambitions ne s’arrêteront pas aux horizons des Prairies. Il vise le siège de premier ministre du Canada.

Dès le lendemain de son élection, il avait déclaré, le 17 avril, que la prochaine étape est de « faire partir Trudeau en octobre ».

LA CROISADE DE KENNEY

Il n’a cessé de souffler le chaud et le froid sur le Québec. Après que le Canada anglais eut cassé du sucre sur le dos du Québec dans le dossier de la laïcité de l’État, voilà qu’on agite le spectre de la péréquatio­n.

Jason Kenney refuse de comprendre qu’au Québec, son projet d’oléoduc ne suscite pas d’acceptabil­ité sociale et que les Québécois refusent de laisser passer, sur leur territoire, un pipeline qui acheminera­it le pétrole des sables bitumineux vers les marchés internatio­naux.

À cela il a répliqué, le 10 avril, en pleine campagne électorale : « Pas de pipeline, pas de péréquatio­n. »

Il s’est engagé à tenir un référendum en 2021 pour que l’Alberta cesse sa contributi­on à la péréquatio­n qui bénéficie à la moitié des provinces canadienne­s. Mais Jason Kenney ne parle que du Québec à qui il menace de couper les vivres.

Or, l’Alberta n’envoie pas de chèque directemen­t au Québec ni à aucune autre province. La péréquatio­n est un transfert de fonds fédéraux aux provinces les moins prospères, pris à même les revenus de taxes et d’impôts des Canadiens, incluant les Québécois.

Le premier ministre, Justin Trudeau, l’a remis à sa place, lundi dernier, en lui rappelant que la formule actuelle de la péréquatio­n a été mise en place par le gouverneme­nt conservate­ur de Stephen Harper dont il faisait partie comme député et ministre.

ASSEZ DE QUÉBEC BASHING

Dimanche dernier, le premier ministre François Legault a réagi à ces invectives en rappelant que :

1. Le principe de la péréquatio­n remonte aux origines de l’entente constituti­onnelle de 1867 ;

2. L’Alberta ne peut modifier la Constituti­on de façon unilatéral­e.

À cela, M. Kenney réplique, en affirmant : « Les propos du premier ministre François Legault reflètent son incompréhe­nsion de l’histoire du programme de péréquatio­n. »

Pourtant, M. Legault n’a fait que rappeler, dans ses propres mots, que lorsque le Québec avait « embarqué dans le Canada, il était prévu qu’il y aurait de la péréquatio­n ». Et il n’avait pas tort.

Car s’il est vrai que le premier programme officiel de péréquatio­n est entré en vigueur en 1957, l’idée même de ces transferts de fonds fédéraux aux provinces remonte à la création de la fédération canadienne.

« On peut retrouver le concept de péréquatio­n dans les subvention­s prévues par la Loi dans l’Acte constituti­onnel de 1867 » (Encyclopéd­ie canadienne, 16 décembre 2013).

Plus tard, la mesure sera intégrée à la partie III de la Loi constituti­onnelle de 1982, sous la rubrique « Péréquatio­n et inégalités régionales ».

Dans sa campagne de diabolisat­ion du Québec, M. Kenney affirme : « Le Québec reçoit environ 13 milliards de dollars par an en paiements de péréquatio­n, et la quasi-totalité provient de l’Alberta. »

Or, la part de l’Alberta dans la péréquatio­n que reçoit le Québec ne dépasse pas les 2,2 milliards de dollars, alors que le Québec achète pour plusieurs milliards de dollars de pétrole albertain.

Et si on arrêtait le Québec bashing ?

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