Power s’en est lavé les mains
La vente à Martin Cauchon leur a fait épargner des dizaines de millions de dollars
En vendant ses six journaux régionaux à un ancien politicien qui ne connaissait rien à la presse écrite, la riche famille Desmarais de Power Corporation a évité le pire en refilant une facture de plusieurs dizaines de millions de dollars sans avoir à faire les efforts de rationalisation nécessaires.
Les déboires financiers des journaux du groupe Capitales Médias (Le Soleil, La Tribune, Le Droit, Le Quotidien, La Voix de l’Est et Le Nouvelliste) n’ont pas commencé lors de leur vente, au printemps 2015, estiment des experts consultés par Le Journal.
Le Groupe Capitales Médias traîne une dette de 26 millions $ à ses créanciers, dont une créance de 8 millions $ à Investissement Québec. Un prêt intérimaire de 5 millions $ viendra également alourdir la créance gouvernementale.
« Dès 2011, on voyait décliner les revenus publicitaires des journaux, et cela a été très rapide par la suite », soutient le professeur de journalisme à l’UQAM, Patrick White.
Devant cette réalité, les Desmarais ont alors décidé de céder leurs six journaux régionaux à l’ex-politicien Martin Cauchon et ami de la famille pour un montant qui n’a jamais été dévoilé.
Martin Cauchon a alors hérité d’un groupe de presse dont les revenus déclinaient fortement et dont les coûts de production étaient très importants avec de nombreux départs à financer.
« Les Desmarais étaient beaucoup trop concentrés dans la presse écrite. Ils ne tiraient pas profit d’autres sources de revenus dans le secteur des médias. En ce sens, Martin Cauchon est arrivé trop tard en faisant du mieux qu’il pouvait dans une structure très lourde à gérer », estime l’expert et directeur de l’Institut sur la gouvernance, Michel Nadeau.
LOURDS FONDS DE RETRAITE
Le Groupe Capitales Médias a aussi hérité de Gesca de lourds fonds de retraite dont les déficits actuariels devront être assumés éventuellement par les prochains acquéreurs. La facture pourrait atteindre plusieurs dizaines de millions de dollars.
Le groupe Gesca des Desmarais, qui possédait également La
Presse, avait aussi tardé à faire prendre le virage numérique à ses journaux situés à l’extérieur de Montréal.
« Pendant des années, les nouvelles de journaux régionaux de Gesca n’étaient disponibles que sur le site lapresse.ca. Cela a nui énormément à leur visibilité. On n’a pas donné une identité numérique à ces journaux-là », rappelle M. White.
PASSAGE TARDIF AU NUMÉRIQUE
Il aura même fallu attendre en octobre 2015 pour que le groupe Capitales Médias dote finalement ses journaux d’une application numérique pour téléphones intelligents et tablettes.
Michel Nadeau reconnaît que la famille Desmarais a su quitter le secteur de la presse écrite au bon moment alors que son modèle d’affaires ne fonctionnait plus.
« Très peu de journaux actuellement en Amérique du Nord réussissent à faire leurs frais. Ça va prendre un nouveau modèle financier pour les rentabiliser », estime-t-il.