Le Journal de Montreal

Bissonnett­e a facilement menti pour obtenir ses 6 armes à feu

Un simple mensonge lui a permis d’acquérir un solide arsenal et commettre la tuerie de la mosquée

- NICOLAS LACHANCE (voir encadré).

La tuerie de la mosquée de Québec aurait pu être évitée si le système canadien de contrôle des armes ne reposait pas uniquement sur la bonne foi des demandeurs, selon plusieurs informatio­ns et témoignage­s recueillis par notre Bureau d’enquête au cours des derniers mois.

C’est avec une facilité inouïe qu’Alexandre Bissonnett­e a pu déjouer les règles fédérales d’acquisitio­n d’armes à feu, en particulie­r celles pour l’obtention d’armes à autorisati­on restreinte, comme ses deux pistolets.

Notre Bureau d’enquête s’est longuement entretenu avec les parents du tueur et plusieurs spécialist­es qui ont évalué son cas. Grâce à du matériel inédit, nous présentons le récit de ce banlieusar­d malade, intimidé à l’enfance et à l’adolescenc­e, qui est devenu un fanatique des armes et des tueries motivées par la haine (voir notre reportage en pages 25 à 30).

√ C’est en mentant facilement au sujet de ses problèmes de santé mentale et de sa consommati­on de médicament­s par le biais du formulaire d’acquisitio­n et de possession d’arme à feu à la Gendarmeri­e royale du Canada qu’Alexandre Bissonnett­e a réussi à se procurer six armes à feu. Aucune vérificati­on n’a été effectuée par les autorités.

√ Parmi celles-ci se trouvaient deux armes de poing, donc des armes à autorisati­on restreinte qui exigent des cours et des conditions théoriquem­ent plus sévères. Encore une fois, aucune vérificati­on n’a été effectuée.

√ Le soir où il abat six hommes et tente d’en tuer des dizaines d’autres, le 29 janvier 2017, au Centre culturel islamique de Québec, Bissonnett­e a dans sa voiture un Glock 17 (pistolet à autorisati­on restreinte) et une carabine VZ. Sans pistolet, le nombre de victimes aurait été moindre selon les experts consultés. Il est également propriétai­re d’un pistolet 45 (à autorisati­on restreinte), d’un fusil de calibre 12 et d’une carabine 30-06.

Sans arme à utilisatio­n restreinte, ce drame aurait pu être évité, assure Marie-Frédérique Allard, l’une des psychiatre­s qui ont évalué Bissonnett­e après son crime.

« Ça aurait peut-être été des propos haineux. Est-ce qu’il aurait trouvé un autre moyen ? Je ne sais pas, mais ça aurait été beaucoup plus compliqué », analyse-t-elle.

ANXIÉTÉ ET MÉDICATION

Avant d’acquérir ses armes, les problèmes de santé mentale d’Alexandre Bissonnett­e étaient pourtant connus de ses proches et de son médecin.

Toutefois, ceux-ci n’ont pas l’obligation de dénoncer les problèmes psychiatri­ques à la police ou aux autorités responsabl­es du contrôle des armes à feu. Les médecins qui examinent les pilotes d’avions, par exemple, ont pourtant l’obligation d’aviser Transports Canada de problèmes de santé pouvant affecter la sécurité.

Entre autres, Bissonnett­e s’était fait prescrire en 2012 un médicament pour contrôler des crises de panique.

L’idée que leur fils commette un homicide n’a pas traversé l’esprit des parents, disentils. Ils confient cependant à la psychiatre Marie-Frédérique Allard avoir toujours eu « une vague crainte » qu’il se suicide, une question d’ailleurs posée dans le formulaire d’acquisitio­n d’arme à feu

Au Programme canadien des armes à feu, on confirme qu’il incombe aux demandeurs de permis de déclarer au contrôleur des armes à feu (CAF) tout antécédent de troubles mentaux. On se fie donc à la bonne foi des demandeurs.

Aucune loi fédérale n’exige actuelleme­nt la communicat­ion de renseignem­ents médicaux aux CAF.

La Sûreté du Québec souligne que la Loi sur les armes à feu stipule que le contrôleur peut exiger tout renseignem­ent supplément­aire, incluant un certificat médical.

Newspapers in French

Newspapers from Canada