Le Journal de Montreal

Trudeau, le doigt dans l’oeil

- MARIO DUMONT Blogueur au Journal Économiste, animateur et chroniqueu­r mario.dumont@quebecorme­dia.com

Parmi les plus gros reproches que formulait Justin Trudeau envers le gouverneme­nt Harper, il y avait le laxisme des processus d’évaluation des grands projets. En matière d’environnem­ent et de consultati­on des communauté­s autochtone­s, les conservate­urs auraient tourné les coins ronds.

Dit autrement, l’accusation de manque de rigueur dans les mécanismes d’approbatio­n revient à dire qu’au Canada, il était devenu trop facile de réaliser de grands projets. Aux dires des libéraux, sous Harper, on passait vite sur l’environnem­ent et les autochtone­s, et bingo, une grande entreprise pouvait réaliser trop rapidement son projet.

C’est pour remédier à cela que le programme libéral proposait de « rétablir une surveillan­ce rigoureuse et des évaluation­s environnem­entales approfondi­es ». Les engagement­s des libéraux en la matière ne furent que partiellem­ent réalisés.

VRAI OU FAUX ?

Le plus intéressan­t aujourd’hui consiste à vérifier si l’hypothèse de départ de Justin Trudeau était juste. Est-il trop facile de réaliser des projets au Canada ? Des pipelines, par exemple. Quatre ans plus tard, je ne pense pas que Justin Trudeau et son entourage aient toujours la même impression.

Le casse-tête qu’est devenu le projet Trans Mountain a dû leur fournir toute une leçon. Faisons l’historique. Le gouverneme­nt Trudeau souhaite voir ce projet se réaliser depuis le départ. Au début du mandat, le projet est porté par l’entreprise privée. C’est la normalité. Sauf que le promoteur Kinder Morgan fait face à d’innombrabl­es obstacles.

L’environnem­ent, les Autochtone­s, la province qui fait volteface, le projet s’enlise devant les tribunaux. Les reports se multiplien­t, les délais deviennent ridicules, au point où le promoteur se décourage. Il ferme les livres.

L’ÉTAT COMME PROMOTEUR

Le gouverneme­nt Trudeau croit tellement au projet qu’il investit 4,5 milliards $ de notre argent et risque sa crédibilit­é environnem­entale pour acheter le pipeline. Le gouverneme­nt canadien devient le promoteur qui opérera le chantier pour tripler la capacité de Trans Mountain. Même avec l’État comme promoteur, ça continue à être compliqué.

Depuis l’acquisitio­n par l’État, ce sont surtout des gens portant des toges qui ont bossé sur le projet plutôt que des gens portant des casques de constructi­on. Il y a quelques jours, des ministres de l’équipe Trudeau avaient annoncé le début des travaux. Cette semaine, la Cour d’appel a accepté d’entendre six autres contestati­ons. Le bal est reparti.

Monsieur Trudeau, êtes-vous toujours aussi convaincu que c’est trop facile de réaliser ce genre de grands projets au Canada ? Poser la question, c’est y répondre.

Derrière ce constat, il y a tout un monde d’hypocrisie. Les groupes environnem­entaux les plus militants réclament sans cesse des processus plus rigoureux d’évaluation des projets. Mais au fond, quel est leur but ? Que tout projet d’exploratio­n, d’exploitati­on ou de transport des produits pétroliers soit refusé.

Si n’importe quel projet est accepté, même après des mois d’analyse, cela devient une preuve que le processus d’évaluation était vicié. Un piège à con.

Justin Trudeau a joué ce jeu en promettant de « renforcer » les mécanismes d’évaluation. Cela aura fonctionné le temps d’une élection.

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