Amazon recrute au Québec... pour ses bureaux de Toronto et Vancouver
L’entreprise poursuit en même temps son lobbyisme pour avoir des incitatifs fiscaux
En pleine pénurie de maind’oeuvre, l’entreprise de Jeff Bezos se tourne vers le Québec pour assouvir sa soif de talents en venant recruter ici des ingénieurs déjà à l’emploi... pour ses bureaux de Toronto et Vancouver.
« Je travaille avec l’équipe Amazon’s Alexa Shopping et notre équipe India Consumer Technology, et ils embauchent en ce moment des ingénieurs à Toronto et Vancouver », a partagé un recruteur d’Amazon à un candidat québécois déjà employé, via un courriel dont Le Journal a obtenu copie.
Frais d’entrevues payés, salaires élevés… Amazon propose sur un plateau d’argent aux ingénieurs d’ici des postes à Toronto, Vancouver ou Seattle et San Francisco.
Le hic, c’est que les technos québécoises ciblées avec insistance par Amazon sont déjà à bout de souffle parce qu’elles sont incapables de trouver les talents qu’il leur faut.
« Près de 25 % d’entre elles estiment que leur concurrence de talent provient d’entreprises étrangères établies au Québec », déplore Nicole Martel, PDG de l’Association québécoise des technologies (AQT), regroupant 500 entreprises.
D’après elle, Amazon est loin d’être la seule à jouer du coude. « La rivalité est extrêmement forte. En Ontario, Facebook est hyper agressive », dit-elle. Avec ses subventions sur les salaires à la commercialisation atteignant 50 %, l’Ontario les séduit.
« MACHINE À BONBONS »
Mais pour le PDG de Coveo, Louis Têtu, le problème est du côté du gouvernement qui offre trop d’incitatifs fiscaux afin de les attirer.
« Je n’ai rien contre Amazon, Google ou les autres. Ils jouent leurs cartes. Je ferais la même chose à leur place si je trouvais une machine à bonbons ailleurs dans le monde », illustre M. Têtu.
Le dirigeant se demande pourquoi le Québec octroie ces cadeaux alors que d’autres pays n’en ressentent pas le besoin. « Coveo est à Londres, New York et San Francisco, et personne à l’international ne nous donne des incitatifs comme ça », avance-t-il.
« OPPORTUNITÉ »
En entrevue au Journal, le ministre du Travail, Jean Boulet, a refusé de lancer la pierre à Amazon, qualifiant cette guerre de talent d’« opportunité » pour nos entreprises.
« Je ne veux pas m’exprimer sur le mérite de leur stratégie d’affaires, qui peut être agressive, remise en question ou jugée sévèrement. Moi, ce qui me préoccupe, c’est le développement du marché du travail du Québec », a-t-il expliqué.
Jointe par Le Journal, Amazon s’est défendue de faire mal aux compagnies d’ici.
« À ce titre, bon nombre de nos postes sont ouverts et disponibles pour une relocalisation à l’étranger, et nous avons approuvé des demandes de relocalisation, y compris au Québec », a tenu à nuancer sa porte-parole, Candi Jeronimo.