Le Journal de Montreal

Elle se fait prendre au piège de la fraude sentimenta­le

- Emmanuelle Gril Collaborat­ion spéciale

Pour faire de nouvelles rencontres, Sylvianne, 30 ans, s’est inscrite sur un site spécialisé mettant en contact des personnes partout à travers le monde. Au bout de quelques semaines, elle pense avoir trouvé l’âme soeur...

L’élu de son coeur, un séduisant jeune homme qui vit en Afrique, lui a promis de venir la rejoindre au Québec. Les nombreuses conversati­ons qu’ils ont eues ensemble laissent croire à Sylvianne qu’ils sont faits pour s’entendre, et elle est très impatiente de pouvoir le rencontrer en chair et en os.

Malheureus­ement, au moment de prendre l’avion pour le Canada, l’homme est intercepté aux douanes de son pays. Il contacte Sylvianne, lui expliquant que le fonctionna­ire exige un certain montant d’argent pour le laisser partir. Méfiante, la jeune femme lui demande le nom de l’aéroport et celui du douanier récalcitra­nt, et effectue des recherches sur internet pour trouver elle-même le numéro de téléphone. Elle réussit à parler directemen­t au douanier qui confirme la version de l’homme, et accepte donc d’envoyer la somme demandée. Malgré tout, son amoureux ne monte pas dans l’avion et il lui annonce qu’il a encore besoin de son aide.

PLUS DE 10 000 $

Cette fois, c’est un accident qui l’aurait envoyé à l’hôpital, photos à l’appui. Il lui demande de lui expédier 2000 $ pour payer la chirurgie dont il a besoin. Là encore, Sylvianne veut confirmer ses dires, et parvient à joindre le médecin traitant par téléphone. Ce dernier confirme le diagnostic et la jeune ferme envoie la somme demandée directemen­t à l’hôpital, en mentionnan­t le nom du patient et celui du chirurgien. « Le manège s’est poursuivi de la sorte pendant plusieurs mois. Au bout du compte, Sylvianne a fait parvenir plus de 10 000 $ à son amoureux, sans n’avoir jamais réussi à le rencontrer en personne. Pour dénicher cette somme, elle a emprunté sur ses cartes de crédit ainsi qu’à sa mère », explique Pierre-Paul Belzil-Lacasse, syndic autorisé en insolvabil­ité chez Raymond Chabot.

Avec un salaire mensuel de 2300 $ brut, elle ne peut toutefois faire face au remboursem­ent d’une dette qui, avec les intérêts, atteint désormais 15 000 $. Les institutio­ns émettrices des cartes de crédit s’impatiente­nt et les agences de recouvreme­nt entrent dans la danse. Terribleme­nt stressée et harcelée par ses créanciers, Sylvianne va consulter un expert en insolvabil­ité pour savoir comment se tirer de ce mauvais pas.

UNE SOLUTION POUR REMBOURSER

La jeune femme n’en est pas à ses premières difficulté­s financière­s. En effet, elle a déjà fait faillite il y a cinq ans après avoir cautionné son ancien amoureux lorsqu’il s’est acheté une auto. Elle ne le connaissai­t que depuis six mois, mais a candidemen­t accepté de s’en porter garante. Après leur séparation, son petit ami a cessé d’effectuer les paiements et le vendeur s’est retourné contre elle. Responsabl­e d’une somme de 30 000 $ sur un véhicule qui ne lui appartenai­t pas, elle a dû se résoudre à faire faillite. « Sylvianne préférait éviter une seconde faillite, une tache qui serait restée dans son dossier de crédit pendant 14 ans », précise Pierre-Paul Belzil-Lacasse.

De plus, elle souhaitait pouvoir rembourser une bonne partie de ses dettes. Par conséquent, la meilleure option consistait à déposer une propositio­n de consommate­ur. Ses créanciers ont accepté de prendre une entente de paiement de 200 $ par mois pendant 50 mois, pour un total de 10 000 $. Les intérêts ont cessé de courir sur sa dette, ce qui est un soulagemen­t pour elle, en plus de savoir que dans environ quatre ans, elle pourra enfin tourner la page sur ce triste épisode.

« Malgré les précaution­s prises par Sylvianne, elle a quand même été victime de fraude. Il existe des personnes sans scrupule et dans certains pays, la corruption est omniprésen­te. On devrait toujours se montrer prudent si une nouvelle relation nous demande une aide financière rapidement. Il faut prendre le temps de réfléchir et en parler aux gens autour de nous pour pallier notre manque d’objectivit­é », recommande Pierre-Paul Belzile-Lacasse.

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