Le Journal de Montreal

Louise Deschâtele­ts

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J’ai lu avec intérêt la lettre de l’anonyme de 57 ans qui racontait les cauchemars qui l’envahissen­t chaque nuit depuis qu’il a perdu son emploi, et que ça le fait plonger dans des abimes sans fond qui lui rappellent son passé dans une famille où la dureté était monnaie courante, et la rigueur, un principe de vie prôné par sa mère.

Cet homme doit sans cesse lutter contre les pensées négatives qui l’assaillent et viennent troubler son quotidien, déjà pas très drôle, d’homme divorcé sans enfant. Il se plaint surtout du fait que ses parents ne cessent de lui remettre sur le nez les qualités de son frère aîné, un homme d’affaires prospère, et de sa soeur cadette, une médecin spécialist­e réputée. Il clame son besoin de rehausser son estime de luimême et vous demande comment faire pour y parvenir.

Vous lui conseillez, à juste titre, de consulter un psychologu­e ou un psychothér­apeute, en plus de lui indiquer qu’il devrait aussi faire un travail personnel sur lui-même pour comprendre les motivation­s qui l’ont mené à s’engager sur la voie d’un pareil sentiment de faillite. Et, à part le récit de sa vie, c’est cette partie de votre réponse qui m’a accrochée.

Je suis aussi une enfant du milieu, mais entre deux frères. J’avais toujours eu l’impression que mes parents ne voyaient qu’eux pour leur faire honneur, et qu’à leurs yeux, j’étais une quantité négligeabl­e. Les deux étaient bons à l’école, gentils dans la vie et entourés d’amis. Moi j’étais le rejet, la demi-portion sans envergure, et l’échec m’attendait à chaque tournant. Du moins c’est comme ça que je me voyais et comme ça que je me projetais.

Cela jusqu’à ce qu’un jour, rendue à 45 ans, je frappe un mur, quand mon mari de l’époque m’a plaquée là avec deux enfants en me disant qu’il en avait assez de vivre avec quelqu’un d’aussi négatif que moi, quelqu’un qui s’avère incapable d’apprécier ce qu’elle a et qui passe son temps à regarder les réussites des autres pour les jalouser.

J’ai perdu deux ans à ruminer, autant mon chagrin que ma colère, et à faire la vie difficile à mes pauvres enfants qui se retrouvaie­nt pris en sandwich entre un père qui souhaitait une vie plus simple et une mère qui prenait plaisir à se la compliquer et à la leur compliquer.

Il a fallu que mes enfants décident d’aller vivre à temps plein avec leur père pour que j’accepte enfin de me regarder en pleine face et que je décide de consulter. Ma thérapie m’a fait découvrir que mes parents ne pouvaient pas avoir été aussi nuls avec moi et aussi compétents avec mes frères. Que ma part de responsabi­lité dans le résultat final, je devais la considérer.

Grâce à un cheminemen­t intérieur de 5 ans, j’ai réussi à me voir sous un meilleur jour et à renouer avec mes enfants. Mais surtout, j’ai réussi à me réconcilie­r avec la vie, avec MA vie. C’est ce que je souhaite à ce monsieur, tout en lui disant que les efforts pour y parvenir sont ardus.

Enfin devenue majeure!

Être heureux dans la vie dépend toujours de soi-même. Bien sûr que la famille, l’éducation, les parents y sont pour quelque chose en ce qu’ils nous équipent, avec leurs forces et leurs faiblesses, pour nous défendre contre les aléas de la vie. Mais c’est à nous d’apprendre à nous en servir pour tracer notre chemin. C’est à nous aussi de développer nos propres aptitudes pour avancer.

J’espère que votre témoignage ouvrira une brèche dans la carapace qu’il a réussi à se construire avec le temps pour se protéger. Et s’il s’avérait que son milieu familial continue à être aussi négatif et toxique qu’il le décrivait, il pourra se munir des outils nécessaire­s pour couper définitive­ment avec eux. Chose à faire quand on ne reçoit que du négatif.

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LOUISE DESCHÂTELE­TS louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com

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