Le Journal de Montreal

Claude Villeneuve

- CLAUDE VILLENEUVE Analyste politique et rédacteur

Mardi 10 septembre, c’est la Journée mondiale de la prévention du suicide, un événement nécessaire pour aborder un problème dont il est souvent inconforta­ble de discuter.

On n’aime pas parler de suicide, souvent parce qu’on craint de mal le faire et de pousser des gens fragiles vers cette extrémité. On sait aussi intimement, même si l’on n’a pas côtoyé cette réalité, que le sujet est douloureux pour beaucoup de personnes qui vivent avec le tragique héritage laissé par un proche qui s’est effacé.

PLUS LES CHAMPIONS

C’est un enjeu d’autant plus douloureux au Québec, parce qu’on vit avec la croyance d’évoluer dans une société où le suicide est quasiment épidémique. On évoque parfois des chiffres qui démontrera­ient que nous sommes de tristes champions en la matière.

Or, si ça a déjà été vrai, ça ne l’est plus. D’abord, le suicide est une problémati­que aiguë dans toutes les sociétés industrial­isées. Pour ce qui est du Québec, toutefois, nous avons largement progressé en la matière, depuis 20 ans.

En 1999, nous avions un taux de 22,2 morts par suicide par 100 000 habitants. En 2016, alors qu’on parle justement de plus en plus de ce phénomène et que les coroners se restreigne­nt moins au moment de nommer cette cause de décès, ce taux n’est plus que de 12,1. C’est moins qu’au Manitoba, moins qu’en Saskatchew­an, moins qu’en Alberta, moins qu’au Nouveau-Brunswick, moins qu’aux États-Unis.

C’est une prodigieus­e progressio­n, qui se compte en milliers de gens qui sont encore parmi nous, mais doit-on s’en contenter ? Absolument pas. Chaque année, autour de 1100 personnes se suicident. Ce n’est pas qu’un chiffre. Ce sont autant d’humains avec un visage dont la vie valait la peine d’être vécue. Ce sont autant de familles où une bombe nucléaire a explosé, laissant ses retombées s’étendre avec divers degrés de gravité par cercles concentriq­ues.

Il faut continuer la lutte, donc, et puisque l’approche que nous adoptons a déjà donné de bons résultats, sans doute qu’il faut plus de ce qui marche.

EN PARLER PLUS

Qu’a-t-on fait depuis 20 ans pour éviter toutes ces tragédies ? Eh bien d’abord, on s’est mis à parler plus de suicide. On s’est permis d’aborder davantage la question, en insistant moins sur la manière dont les personnes qui posaient ces gestes s’y étaient prises et davantage sur ce qu’il aurait fallu faire pour les aider. Dans les médias, on diffuse désormais systématiq­uement les coordonnée­s des ressources de soutien pour les personnes en détresse.

On a aussi beaucoup investi en recherche pour mieux comprendre le phénomène et former les intervenan­ts. Le Québec est un leader en cette matière.

En outre, on s’est montré plus volontaire pour lutter contre les dépendance­s et pour intervenir en santé mentale. Tout ce qu’on fait en ces matières permet de sauver des vies.

La somme de tout ça, c’est que nous sommes devenus plus attentifs, plus à l’écoute. Ce n’est pas jovialiste de penser que les Québécois sont désormais collective­ment mieux outillés pour aider quelqu’un qui ne va pas bien.

Mais il faut faire plus. Il faut faire plus encore pour rattacher tous ces gens à la vie. Et pour y arriver, ça prend du leadership.

Souhaitons que cette journée de mardi soit une occasion de plus d’éveiller les conscience­s et de faire de chacun de nous un agent de la prévention du suicide.

Nous sommes devenus plus attentifs, plus à l’écoute

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Centre d’écoute de Suicide Action Montréal
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