L’Allier se livre dans ses mémoires
L’ancien maire de Québec revient sur ses années en politique et sur les impacts sur sa famille
QUÉBEC | Jean-Paul L’Allier a eu une vie bien remplie et épanouie, mais concilier la famille et la politique a été difficile, révèle l’ancien ministre et maire de Québec, qui se livre comme jamais dans ses mémoires inachevés, publiés trois ans après son décès.
Quelques années avant sa mort en janvier 2016, Jean-Paul L’Allier a entrepris de rassembler ses souvenirs et ses réflexions sur sa vie, ses engagements politiques, sa carrière, sa famille. C’est sa femme qui l’a incité à le faire.
Maintenant veuve, Johanne Mongeau, aidée de l’historien et bibliothécaire Gilles Gallichan, a réuni ses mémoires ainsi que divers documents d’archives, dont sa dernière entrevue accordée à Radio-Canada, deux mois avant son décès.
Intitulé Le Relais, le livre qui en découle paraîtra le 10 septembre. Jean-Paul L’Allier s’y livre de façon franche. « Il s’ouvre dans ce livre-là comme il ne l’a jamais fait », souligne Johanne Mongeau, notamment sur sa famille.
Après presque sept ans en politique provinciale et une défaite électorale en 1976, il a une conversation avec son fils Jean-Christophe, 11 ans.
Le jeune lui demande ce qu’il va faire après avoir perdu son emploi de député et de ministre. Quand il lui dit qu’il retournerait travailler comme avocat, Jean-Christophe rétorque : « Je ne savais pas que tu étais avocat. »
« Quand ton fils, après sept ans, ne sait pas qui tu es sur le plan professionnel parce que la politique a tout caché, la politique t’a empêché d’avoir cette communication, c’est un prix très élevé à payer », écrit L’Allier.
DURE DÉFAITE
« Après une défaite électorale, on retrouve ses enfants, mais on est devenu, d’une certaine façon, un étranger qui habite leur environnement. »
Sa séparation d’avec sa première épouse, raconte-t-il, a été causée par l’éloignement imposé par la politique. « Pour les enfants, j’imagine que ç’a été assez dur. Je le regrette toujours parce qu’on se sent un peu coupable, mais en même temps, on ne peut rien y changer. »
La chute, en politique, peut être très dure, exprime-t-il.
« Quand tu te fais battre, c’est comme débouler un escalier sur le dos. Au lendemain d’une défaite électorale, le téléphone ne sonne plus. C’est le silence, et seuls vos vrais amis, moins d’une dizaine de personnes, cherchent votre compagnie pour échanger sur ce qui s’est passé. »
Sa famille n’a pas été épargnée lors de l’épisode de la prostitution juvénile, alors que de fausses rumeurs laissaient entendre que le maire ait pu être impliqué. « Cette histoire a été dure pour la famille.
DÉRACINÉ
Il raconte aussi comment il a été coupé de sa propre famille quand, comme plusieurs enfants des campagnes, il est devenu pensionnaire, car ses parents voulaient lui permettre de mener des études.
« Leurs sacrifices eurent cependant pour conséquence que la famille naturelle s’est finalement disloquée parce que nous sommes tous devenus pensionnaires. […] Mes parents me visitaient le dimanche, m’apportaient des gâteries de la maison, mais ils étaient davantage mes pourvoyeurs que mes éducateurs, qui étaient mes professeurs. C’était comme cela pour tous mes amis. Nos racines se rempotaient ailleurs. »
LUTTES ET COMBATS
De la crise d’Octobre aux chicanes de clocher entre les villes de l’agglomération de Québec, en passant par les relations tendues avec Ottawa et son engagement pour la culture, dans le style coloré qu’on lui connaît, l’ancien maire raconte ses souvenirs, ne manquant pas d’écorcher certaines personnalités comme la mairesse de Sainte-Foy Andrée Boucher ou le maire de Lévis Jean Garon.
La plupart de ses notes ont été enregistrées, puis couchées sur papier par son adjointe. « C’est ce que je trouve bouleversant là-dedans, exprime Johanne Mongeau. C’est qu’on dirait qu’on est en train de lui parler, dans son bureau ou autour d’un verre de vin. C’est très vivant et très émouvant en même temps. »