Le Journal de Montreal

« Je veux envoyer un message d’espoir »

– Maxime Drolet-Gauthier

- DAVID RIENDEAU Collaborat­ion spéciale

Le jour où on lui a annoncé qu’il ne marcherait plus jamais, Maxime Drolet-Gauthier avait deux options devant lui : s’apitoyer sur son sort ou mordre dans la vie. Six ans après son accident de voiture, il s’apprête à participer au marathon de Montréal.

« Quand je pense qu’au début, je faisais à peine 10 mètres sur ma chaise, je me dis que tout est possible pourvu d’y mettre les efforts », explique l’athlète tétraplégi­que de 25 ans qui s’entraîne plusieurs kilomètres par jour en vue de son épreuve de 42,2 km le 22 septembre prochain. (voir autre texte)

Maxime revient de loin. Le 17 août 2013, le jeune homme faisait partie d’un petit groupe qui était à bord d’une voiture filant à 120 km/h sur l’autoroute en direction d’Ottawa. À la hauteur de Hawkesbury, ils ont remarqué que le conducteur du véhicule à leur droite s’était endormi. Pire, le bolide déviait vers eux. En donnant un coup de volant pour l’éviter, son ami a perdu le contrôle de la voiture, qui a fait huit tonneaux. Le choc fut si brutal que quatre des cinq personnes à bord ont été éjectées. Les autres en ont été quittes pour des blessures mineures, mais pas Maxime.

« Quand j’ai repris connaissan­ce, j’étais étendu sur le gazon. J’entendais crier autour de moi. Quand j’ai essayé de me lever, je ne sentais plus mon corps. »

Maxime s’est réveillé une semaine plus tard à l’hôpital du Sacré-Coeur, complèteme­nt paralysé et maintenu en vie grâce à un respirateu­r artificiel. L’accident avait provoqué une fracture des cervicales 6 et 7 qui a affecté sa moelle épinière. Les médecins lui ont annoncé qu’il ne marcherait plus jamais. « Ça s’est bousculé dans mon esprit. J’avais seulement 19 ans. J’avais peur de ne plus jamais pouvoir jouer au hockey, avoir une blonde ou mener une vie normale. »

LENTE RÉADAPTATI­ON

Les médecins ont expliqué à Maxime que les six premiers mois de réadaptati­on étaient décisifs pour retrouver un maximum de fonctions motrices. Le jeune homme a mis les bouchées doubles pour obtenir des résultats, tout en étant suivi par un physiothér­apeute, un kinésiolog­ue et un ergothérap­eute.

Au bout de 4 mois, ses épaules bougeaient un peu. Mais les semaines passaient, et les probabilit­és de pouvoir marcher à nouveau se réduisaien­t comme peau de chagrin. « Je voyais les autres patients faire des progrès et retourner à leur routine, tandis que j’étais cloué sur mon lit, incapable d’accomplir le moindre geste seul. C’était très frustrant. J’ai dû faire plusieurs deuils sur ma vie d’avant, mais je suis une personne fondamenta­lement positive. C’était arrivé, point. Il fallait continuer à avancer. »

Après treize mois de réadaptati­on intensive, Maxime parvenait à bouger suffisamme­nt les épaules et les bras pour se déplacer en fauteuil roulant et avait la force nécessaire pour se transférer de son fauteuil à un autre endroit comme son lit ou son bain.

Fin août 2014, soit une semaine après sa sortie du centre de réadaptati­on, il retournait au cégep pour finir son DEC, ce qu’il a accompli en un an et demi, non sans difficulté. « Tout était plus long. Un travail qui me demandait 10 heures à l’ordinateur m’en prenait 30. Mais pour moi, il n’était pas question d’abandonner. »

Son rapport au temps avait changé. Le regard des autres aussi. « C’est évident que j’attirais les regards, mais en même temps, tu réalises que les gens sont bienveilla­nts. Ils sont souvent prêts à proposer leur aide. »

UNE VIE ACTIVE

À la même époque, Maxime s’est fait approcher pour jouer au rugby dans une équipe de parathlète­s. « Au départ, j’étais mal à l’aise de me retrouver parmi d’autres personnes en fauteuil roulant. Ça me ramenait toujours à ma condition. Progressiv­ement, j’y ai pris goût », raconte celui qui fait maintenant partie de l’équipe du Québec de rugby paralympiq­ue.

En août 2016, Maxime a commencé des études au HEC Montréal. Le jeune homme rêve de se lancer en affaires avec son frère jumeau Simon et son grand ami Mathieu Giroux. Le trio a déjà un projet en chantier : bâtir un chalet destiné aux personnes à mobilité réduite dans Lanaudière. « On veut rendre la nature plus accessible à ces personnes-là. En fait, partout où vous allez à Montréal ou au Québec, il y a très peu d’endroits adaptés à des gens comme moi. »

C’est l’une des raisons pour lesquelles Maxime a créé la fondation Neuro-Concept en 2017. L’organisme à but non lucratif milite en faveur de lieux publics plus accessible­s pour les personnes à mobilité réduite et souhaite amasser des fonds pour offrir à cette clientèle des soins spécialisé­s. « Ma famille a dû débourser 35 000 $ sur cinq ans pour assurer ma progressio­n. Je suis conscient que ce ne sont pas toutes les personnes qui bénéficien­t d’un tel soutien. »

HEUREUX MALGRÉ TOUT

Depuis deux ans, Maxime vit avec son frère dans un logement adapté à LaSalle où il peut presque tout accomplir seul. Lorsqu’il n’est pas occupé avec sa fondation ou ses entraîneme­nts, le jeune homme file le parfait bonheur avec Katherine, une infirmière qu’il a rencontrée il y a trois ans et demi. « Elle est tombée en amour avec moi, pas avec mon physique. »

Le fait d’avoir trouvé l’amour malgré sa condition lui a injecté une grande dose de confiance. « Au lieu de voir les limites, elle pense à des solutions. J’ai trouvé une personne fonceuse que rien n’arrête. Elle m’a initié à la motoneige, et on est allé à Las Vegas récemment. C’est une femme incroyable. »

Alors qu’arrive à grands pas la date du marathon de Montréal, Maxime réalise tout le trajet qu’il a parcouru depuis le jour de l’accident. Il espère que son exemple en inspirera d’autres comme lui à relever la tête.

« Peu importe notre condition, on peut accomplir de grandes choses. »

« IL FALLAIT CONTINUER À AVANCER »

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SIX ANS APRÈS UN ACCIDENT DE VOITURE, L’ATHLÈTE TÉTRAPLÉGI­QUE PARTICIPER­A AU MARATHON DE MONTRÉAL
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