Prostitution : et si le condom était percé ?
Tous les matins, depuis que j’habite dans Hochelaga-Maisonneuve, je croise des travailleuses. Elles ne se rendent pas au travail comme moi, car elles y sont déjà. La rue est leur lieu de travail. On dit même qu’elles font la rue.
Cette semaine, en te croisant, toi, femme d’environ 28 ans, avec tes bottes trop hautes et ta mini-jupe, j’ai eu une vision de toi à 15 ans. Tu m’as fait penser à la jeune fille de Québec qui a révélé cette semaine avoir connu l’enfer de la prostitution.
J’ai vu dans tes yeux qu’à cet âge, tu vivais probablement la même réalité, parce que c’est l’âge moyen d’entrée dans la prostitution.
Quand je croise ton regard, je me sens mal. J’aimerais que tu connaisses une vie remplie d’espoir, dans laquelle tu enlèverais tes bottes trop hautes pour laisser tes pieds respirer, en sachant qu’ils sont libres d’aller où ils veulent.
UN PRÉSERVATIF POUR LA DIGNITÉ
Je poursuis en te disant, chère femme, que je voudrais que tu puisses avoir des conditions de travail décentes, que tu n’aies plus peur d’aller chercher de l’aide auprès des autorités, que tu te fasses respecter, même si ton métier, de prime abord, ne devrait pas exister.
Je voudrais que le taux de mortalité inhérent à l’exercice de ton travail ne soit pas 40 fois supérieur à la moyenne, parce que tu as besoin de drogue pour supporter ce que tu vis et parce que tu subis de la violence physique et psychologique.
Je n’aurai jamais ce pouvoir. C’est la société qui l’a et qui ne semble pas voir que le condom qui pourrait servir à te protéger est malheureusement percé. Se transmettent alors la peur et la honte, des infections dont le remède se trouve dans la capacité d’une collectivité à se mettre, pour un instant, dans les bottes des plus vulnérables.