Le Journal de Montreal

Repenser le débat sur la rémunérati­on des médecins

- JEAN-DENIS GARON jean-denis.garon@quebecorme­dia.com Jean-Denis Garon est professeur à l’ESG UQAM.

Depuis quelques années, les médecins ont perdu beaucoup de points dans l’opinion publique québécoise. Ce n’est pas que les contribuab­les ne les aiment pas. C’est plutôt leur rémunérati­on qui fait jaser.

C’est une chose tout à fait saine. En 2017-2018, nos quelque 22 000 médecins ont empoché plus de huit milliards de dollars. On parle donc de plus de 20 % du budget de la santé et des services sociaux. Et de 10,4 % de toutes les dépenses de programmes du gouverneme­nt québécois.

RATTRAPAGE SALARIAL

Depuis le début des années 2000, la rémunérati­on médicale fait l’objet d’un rattrapage salarial par rapport à la moyenne canadienne. Depuis le gouverneme­nt Landry, seul celui de Pauline Marois s’est engagé à ralentir ce train en marche.

Le débat du rattrapage doit aujourd’hui se fermer. Une analyse statistiqu­e présentée par l’Institut du Québec vient de nous le confirmer. En tenant compte du coût de la vie, nos médecins sont les plus gâtés parmi les plus gâtés. Ils sont aussi parmi les mieux payés au monde.

ÉQUITÉ

Le débat doit aujourd’hui se tourner vers les autres aspects de cette rémunérati­on. Parce qu’il n’est pas clair qu’elle soit équitable. Ni efficace, d’ailleurs.

Notre PIB par habitant est inférieur à celui du Canada. Plusieurs provinces ont ainsi plus de marge de manoeuvre que le Québec. Pourquoi utiliser le reste du Canada comme comparatif pour la rémunérati­on de nos médecins?

Il n’est pas clair que les écarts salariaux avec le reste du Canada ou les États-Unis les feront fuir. Les conditions de pratique aux États-Unis sont rebutantes et immorales pour plusieurs d’entre eux : risques de poursuites, coût des assurances, nature privée du système, la culture.

Pour les médecins francophon­es, il y a aussi la langue.

Les médecins bénéficien­t d’avantages fiscaux qui sont hors de portée pour le salarié ordinaire. On leur donne le droit de s’incorporer, ce qui leur procure une flexibilit­é fiscale normalemen­t réservée aux entreprene­urs.

Connaissez-vous beaucoup d’entreprene­urs qui ne prennent pas de risque d’affaires ? Dont les revenus proviennen­t d’un client unique… le gouverneme­nt ? Qui se regroupent en fédération­s pour négocier leur rémunérati­on avec l’État ?

EFFICACE ?

Les gouverneme­nts des provinces canadienne­s se comportent comme des rivaux.

Les provinces de l’Ouest rivalisent pour ne pas que leurs médecins, plus mobiles que les nôtres, migrent d’une province à l’autre, ce qui fait augmenter la rémunérati­on canadienne moyenne. Le Québec a décidé de suivre ce comporteme­nt, avec un peu trop d’ardeur.

En outre, les médecins jouissent d’une liberté profession­nelle enviable qui, au moment de facturer la Régie de l’assurance maladie, peut s’avérer très rémunératr­ice... Le Collège des médecins du Québec n’a pas les ressources pour s’assurer de la pertinence de tous les actes médicaux. La rémunérati­on à l’acte devrait être reconsidér­ée et mieux encadrée.

Finalement, il existe des disparités importante­s entre les spécialité­s médicales. Ainsi, les mieux payés au Québec sont souvent les radiologis­tes ou les ophtalmolo­gistes. Est-il possible que des rémunérati­ons individuel­les dépassant les 1,8 million de dollars soient le reflet des problèmes d’incitatifs du système actuel ?

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