Le Journal de Montreal

Les Gémeaux de la diversité

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Dimanche prochain, Véronique Cloutier animera les Gémeaux.

Elle a affirmé à La Presse canadienne que la diversité serait au coeur des préoccupat­ions pendant toute la soirée. Depuis des mois, on se fait répéter que la télé québécoise manque de diversité. Mais de quelle diversité parle-t-on, exactement ? A-t-on déjà oublié que Normand Brathwaite a animé treize fois le gala des Gémeaux ? À un moment donné, il faudrait peut-être arrêter de s’autoflagel­ler.

MEA « PAS DU TOUT » CULPA

La semaine dernière, j’ai reçu chez moi Marina Orsini, pour un balado Devine qui vient souper de QUB Radio. Elle me parlait (en italien) de ses origines italiennes, de sa

famiglia avec qui elle fait des conserves de tomates chaque automne. Ça m’a frappé. Cette comédienne et animatrice, omniprésen­te à la télé québécoise, celle qui a tenu deux des rôles les plus marquants de notre petit écran (Suzie Lambert dans Lance et Compte et Émilie Bordeleau dans Les filles

de Caleb) est la fille d’un immigrant italien qui est arrivé au pays en 1957, avec une petite valise à la main…

Mais qui parlait de diversité à l’époque ? Le mot n’était pas à la mode, les diffuseurs n’en faisaient pas une obsession.

La prochaine fois que quelqu’un reprochera à la télé québécoise d’être depuis des années « remplie de Tremblay », ce serait peut-être une bonne idée de se rappeler que les parents de Serge Postigo (qui a fait la pluie et le beau temps à la télé québécoise, de 4 et demi à Urgence, en passant par

30 vies) sont tous les deux Marocains et qu’il n’est pas né au Québec.

Au Festival internatio­nal du film Black de Montréal, Jean-Claude Lord se fera remettre un prix Précurseur : on veut souligner le personnage de la médecin Lucie Baptiste, amoureuse de Pierre Lambert dans Lance et compte et la série Jasmine.

Vous voulez des données plus récentes ? La semaine dernière, Radio-Canada a mis en ligne un gros dossier sur la diversité. On y apprend que sur les 10 séries les plus populaires, le « pourcentag­e respectif de diversité » est d’environ 11 %. « On s’approche ainsi du taux de 13 % de personnes issues des minorités visibles au Québec (Statistiqu­e Canada, 2016) », conclut la journalist­e.

Dans ce même dossier, Sophie Prégent, présidente de l’Union des artistes, est citée au sujet de l’humour et de l’animation : « La plus grosse vedette d’animation, au Québec, ç’a toujours bien été Normand Brathwaite. Sugar Sammy, je pense qu’il n’a pas de misère à remplir ses salles. Rachid Badouri et Mariana Mazza non plus. C’est un faux problème. »

La directrice de casting Nathalie Boutrie affirme quant à elle que « le bassin d’acteurs de la diversité dans la sphère artistique est restreint ».

« Ce n’est pas un manque de volonté, ni de l’industrie ni du “méchant Blanc dominant”. Au Québec, il n’y a pas toujours eu 36 000 possibilit­és d’acteurs de la diversité. C’est la chose qu’on a tendance à oublier avec ce débat. »

LE MÉCHANT BLANC DOMINANT

Il faudra se rappeler tout ça dimanche prochain, quand on tapera sur le clou de la diversité, pendant le gala des Gémeaux.

Est-ce qu’on est parfaits ? Non. Mais arrêtons un peu de nous culpabilis­er.

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