Legault, le docteur Frankenstein !
Le chef de la CAQ a soufflé dans la trompette du Bloc québécois pendant la campagne fédérale, mais dès le lendemain de l’élection, il a pris ses distances, comme s’il craignait la créature qu’il a contribué à créer.
François Legault a mis son poids dans la balance dès le déclenchement de la campagne.
En mettant au défi les chefs fédéraux de s’engager à ne pas contester la loi québécoise sur la laïcité, le caquiste savait exactement ce qu’il faisait.
Le respect de l’autonomie du Québec et de la volonté exprimée par une majorité de Québécois pour l’interdiction du port des signes religieux en position d’autorité est devenu un enjeu qui mettait Justin Trudeau dans le trouble.
Et qui fournissait une caisse de munitions au chef bloquiste.
Yves-François Blanchet a eu beau jeu de se coller sur le message du populaire premier ministre du Québec pour faire le plein d’appuis.
Le chef de la CAQ n’a pas gagné son pari, toutefois.
Bien sûr, l’élection de 32 députés bloquistes au Québec a probablement privé Justin Trudeau d’une majorité à Ottawa, vu la faiblesse des conservateurs et des néo-démocrates au Québec.
Par contre, le Bloc n’a pas enregistré suffisamment de gains pour détenir la balance du pouvoir à la Chambre des communes.
LA CRÉATURE
Puis, le chef caquiste n’a pas mis de temps à réaliser qu’il avait ressuscité une créature à deux têtes sur laquelle il pourrait perdre l’emprise à moyen terme.
Après avoir complètement asphyxié le Parti québécois avec ses positions nationalistes, il redonne vie à son frère fédéral au moyen des mêmes électrodes !
Comme si le savant enivré, étourdi par un premier succès, avait perdu le contrôle des formules dans son labo !
Il a vite fait d’annoncer que son interlocuteur serait son homologue fédéral Justin Trudeau. Ça va de soi, quand même. Mais la ministre
Sonia LeBel a tellement pris ses distances après une rencontre de courtoisie accordée à Yves-François Blanchet que le repositionnement caquiste ne faisait plus de doute.
Blanchet avait choisi symboliquement de tenir le premier caucus du Bloc ragaillardi à l’hôtel Hilton, tout près du parlement de Québec, dans l’espoir de poursuivre la romance.
LEBEL MINIMISE
« Ils (les bloquistes) ne feront pas le pont entre nous et le gouvernement, on va négocier de gouvernement à gouvernement », a répliqué la ministre caquiste responsable des Relations canadiennes.
Elle a même minimisé la portée de la rencontre, ajoutant qu’elle était disponible pour discuter aussi rapidement avec le conservateur Alain Rayes et le néo-démocrate Alexandre Boulerice. Ouf !
Même si le chef bloquiste a ensuite refusé publiquement d’enfiler les habits de l’amoureux éconduit, on
pouvait percevoir un mur imaginaire érigé par la CAQ sur le boulevard René-Lévesque pour séparer les deux formations.
La renaissance du Bloc peut aussi avoir un effet positif sur le PQ, jusqu’ici moribond.
À l’Assemblée nationale, François Legault a soudainement durci le ton en répondant aux questions du chef parlementaire Pascal Bérubé.
« Est-ce que le PQ est en train de négocier une fusion avec Québec solidaire ? Ç’a tout l’air de ça », a vilipendé le chef caquiste, après une question sur un décret de dézonage de terres agricoles pour faire place à un centre de données de Google dans Beauharnois.
Caquistes et péquistes étaient pourtant équipiers contre libéraux et solidaires sur la laïcité, notamment, au cours de la dernière année. Les choses ont changé.
Docteur Frankenstein semble tourner le dos après avoir jaugé son oeuvre...