Le Journal de Montreal

Des employés « brûlés » du 911 appellent à l’aide

Ils ont peur pour la vie et la sécurité des Montréalai­s en raison du chaos à la centrale

- FRÉDÉRIQUE GIGUÈRE

À bout de souffle en raison des heures supplément­aires obligatoir­es, les préposés de la centrale 911 à Montréal craignent de ne plus être en mesure de faire leur travail adéquateme­nt, ce qui pourrait compromett­re la sécurité des citoyens.

« C’est devenu un mode de gestion de nous forcer à rester plus longtemps, et si on refuse, on nous dit qu’on va mettre la population en danger ou qu’on aura une note à notre dossier ou même une suspension », lance Suzanne Lambert, une préposée qui revient d’un congé de maladie de neuf mois.

Cela fait plus de deux ans que le Syndicat des fonctionna­ires municipaux de Montréal (SFMM) urge le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) d’embaucher.

Des chiffres obtenus par la Loi sur l’accès à l’informatio­n pourraient leur donner raison: les coûts liés aux heures supplément­aires ont pratiqueme­nt triplé en 2017 et 2018 si on les compare aux années précédente­s.

Il n’est pas rare pour les employés de faire des semaines de 60 heures, indique le Syndicat.

Sans surprise, certains ont vu leur salaire exploser (voir le tableau ci-dessus).

La direction de la police de Montréal admet avoir affaire à un important manque d’effectifs au sein de sa centrale 911 et prévoit une embauche massive pour 2020. (voir texte ci-contre).

CRISE DE PANIQUE

Les préposés affirment être tellement épuisés qu’ils ne sont plus en mesure de répondre aux appels aussi adéquateme­nt qu’ils le souhaitera­ient.

Dans les dernières semaines, certains ont même été pris d’une crise de panique en voyant le nombre incessant d’appels entrer et l’immense charge de travail.

En plus des nombreux cas de départs en maladie, les démissions se multiplien­t, si bien que, depuis cinq ans, 114 personnes ont quitté la centrale, selon le syndicat.

C’est notamment le cas de la grande patronne de la section, qui a remis sa démission la semaine dernière en raison du climat de travail difficile.

Depuis qu’elle a commencé à exercer ce métier, il y a plus de 25 ans, Mme Lambert affirme n’avoir jamais cessé de donner son maximum. Elle croit désormais que sa bonne volonté pourrait ne plus être suffisante.

« Je suis terrorisée de ce qui pourrait arriver, autant à un de mes collègues qu’à un citoyen », explique la femme de 47 ans.

Travailler pour le 911, c’est entendre des choses que le commun des mortels n’entend normalemen­t pas, affirme Élisabeth Talbot, directrice syndicale au SFMM.

« Ils n’ont même pas le temps de se remettre entre chaque appel, explique-telle. Tu peux vivre un véritable traumatism­e en ligne, et quand tu raccroches, la lumière clignote encore et tu dois enchaîner tout de suite », poursuit-elle.

COUPES DES PAUSES

À la suite d’une énième plainte du Syndicat au courant de l’été, l’employeur a donné de nouvelles directives pour diminuer un peu le nombre d’heures supplément­aires. La solution ? Couper les heures de dîner et les pauses.

« On sait très bien que si ce n’est pas nous qui plions, c’est le citoyen qui va écoper », dit un autre employé qui a pour sa part préféré taire son identité.

« Le détachemen­t n’est pas si facile. C’est devenu un jeu de TNT. Qui va tenir le bâton de dynamite lorsque ça va sauter ? »

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PHOTO CHANTAL POIRIER En entrevue avec Le Journal, Élisabeth Talbot, directrice syndicale, et Suzanne Lambert, préposée au 911, ont urgé la direction de la police de Montréal de prendre des actions concrètes pour aider les employés « complèteme­nt brûlés » de la centrale.
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