Peu d’impôts payés et des retombées pour des paradis fiscaux, selon l’IRIS
Les financiers du projet Énergie Saguenay verseront leurs dividendes ailleurs
Les promoteurs derrière le controversé projet de gazoduc et de terminal méthanier Énergie Saguenay paieront peu d’impôts au pays alors que les dividendes transiteront plutôt par des paradis fiscaux, révèle une étude de l’IRIS obtenue par Le Journal.
« Les taux d’imposition des dividendes de ces promoteurs seront limités à 5 % au pays », soutient le chercheur associé à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), Colin Pratte.
Le projet de GNL Québec de 14 milliards $ consiste à construire un gazoduc de plus de 750 kilomètres entre l’Ontario et le Québec ainsi qu’un port méthanier à Saguenay. Le gaz naturel, qui proviendra de l’Ouest canadien, sera exporté en Asie et en Europe.
L’IRIS, qui a étudié la structure fiscale de la société en commandite GNL Québec, indique que les grands commanditaires derrière le projet Énergie Saguenay ont tous établi leurs filiales dans des paradis fiscaux où les taux d’imposition sont très bas, voire presque nuls.
On évoque une structure fiscale complexe composée de compagnies étrangères dont les filiales sont localisées notamment dans les Bermudes, les îles Vierges britanniques, les îles Caïmans, le Delaware et Singapour.
Selon l’IRIS, si ces mêmes promoteurs étaient directement localisés au Québec, les taux d’imposition seraient plutôt de l’ordre de 39,9 %.
PAS ILLÉGAL
Dans ce contexte, l’IRIS soutient qu’il serait alors mal vu pour Québec et Ottawa d’injecter des fonds publics dans le projet Énergie Saguenay alors que les promoteurs paieront en fin de compte très peu d’impôts au pays.
« On est d’avis qu’il serait mal avisé d’investir des fonds publics dans une entreprise qui s’est dotée d’un cadre fiscal optimal. Du pont de vue fiscal, ce projet n’est pas avantageux », a résumé M. Pratte.
Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a déjà fait savoir qu’il n’avait pas l’intention d’investir dans ce projet.
Il faut savoir que cette pratique d’affaires n’est toutefois pas illégale puisque le Canada a signé des conventions fiscales internationales avec de nombreux pays, dont les États-Unis et Hong Kong où sont enregistrées les filiales des promoteurs.
« Non seulement les sociétés qui ont investi dans GNL Québec paieront-elles peu d’impôts au Canada, mais elles n’en paieront pas ou très peu dans les juridictions où elles sont établies », tient à préciser un autre chercheur de l’IRIS, Bertrand Schepper.
OPPOSITION
Le projet de GNL Québec au Saguenay fait l’objet d’une vive opposition de la part des groupes écologistes. Ces derniers soutiennent que ce projet fera exploser les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Québec, soit 7,8 millions de tonnes par an.
Récemment, une quarantaine d’économistes ont signé une lettre pour dénoncer également ce projet peu crédible alors que le gaz naturel remplacera des énergies plus polluantes comme le charbon, en Europe et en Chine.