Le Journal de Montreal

20 ans pour vaincre ses démons

Un vétéran des Forces canadienne­s a été sauvé grâce à sa passion pour le vin

- CATHERINE BOUCHARD

QUÉBEC | Un ancien tireur d’élite des Forces armées canadienne­s a mis près de 20 ans à reprendre sa vie en main après avoir été marqué par l’horreur qu’il a vue et vécue. C’est sa passion pour la sommelleri­e qui lui a permis de vaincre ses démons.

Steve Martel est retraité des Forces armées canadienne­s depuis 1996. Il a participé à trois missions, dont sa dernière en ex-Yougoslavi­e, en 1993-1994. Il n’avait alors que 24 ans. Malgré la vingtaine d’années qui se sont écoulées, le vétéran commence à peine à reprendre sa vie en main.

Car, encore aujourd’hui, de simples détails du quotidien peuvent le replonger instantané­ment dans ses moments les plus sombres, où il a eu peur de mourir et vu des atrocités.

« Le pire moment, où j’ai eu la plus grosse frousse, c’était le 31 décembre 1993. Ça tirait de partout et j’étais seul dans la tranchée, ma troupe était couchée. Je me suis dit : “Ça y est, c’est là que j’y passe” », se souvient-il. Ce calvaire a duré trois heures.

« Tu penses à ta famille qui est en train de festoyer, et puis ça fait un black-out. Tu réalises que la vie ne tient qu’à un fil. »

Ce troublant épisode n’était que le premier d’une série noire durant sa mission en ex-Yougoslavi­e. Le vétéran a retrouvé un frère d’armes qui s’est enlevé la vie. Il a vu des enfants blessés, des gens gravement mutilés en plus de vivre avec un sentiment constant d’insécurité.

« Une journée tu passes dans un village, les dames t’envoient la main, la vie est belle, et puis le lendemain, tu repasses, ça sent le cadavre et il n’y a plus rien. »

RETOUR DIFFICILE

Une fois revenu à la maison, M. Martel a vécu plusieurs années de perturbati­ons et sa santé mentale a été hypothéqué­e.

« J’avais des pertes de contrôle, des crises de panique et de la difficulté à contrôler mes émotions », se rappelle-t-il, ajoutant avoir aussi eu des idées noires et sombré dans l’alcool.

Encore aujourd’hui, il lui arrive de conduire uniquement à gauche, « parce qu’à droite, il y avait des mines. »

Mais il s’est toujours accroché, et au fil du temps, en travaillan­t dans la restaurati­on et en suivant plusieurs cours, il a développé une passion pour la sommelleri­e qui a changé sa vie. « La sommelleri­e m’a sauvé », confie le vétéran.

VIVRE INTENSÉMEN­T

En trois ans, M. Martel s’est forgé une notoriété qui le mène, notamment à conseiller des vins une à deux fois par année à l’émission Tout le monde en parle. Il possède également son entreprise, Stevino, qui offre des services-conseils, de l’animation et des ateliers. Sa réputation vient, selon lui, de son besoin de vivre tout intensémen­t et de toujours avoir une mission à accomplir, comme à l’époque où il était militaire. « Je frappe aux portes et je ne lâche pas jusqu’à ce que l’on me dise oui. »

Cette passion pourrait sembler surprenant­e pour quelqu’un qui a eu des problèmes d’alcool. « En sommelleri­e, on recrache toujours le vin. Mais, parfois, quand j’ai une bonne bouteille, je me gâte », admet-il, précisant que c’est toujours dans la modération.

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 ?? PHOTOS JEAN-FRANÇOIS DESGAGNÉS ET COURTOISIE ?? 1. Steve Martel a suivi son cours de sommelier il y a trois ans. Depuis, il cumule les projets dans le domaine, en plus d’être conseiller chez Vinum Grappa. 2. M. Martel (2e à partir de la gauche) lors de sa mission, à Chypre.
3. Il a reçu la Médaille de la paix pour sa mission en ex-Yougoslavi­e.
PHOTOS JEAN-FRANÇOIS DESGAGNÉS ET COURTOISIE 1. Steve Martel a suivi son cours de sommelier il y a trois ans. Depuis, il cumule les projets dans le domaine, en plus d’être conseiller chez Vinum Grappa. 2. M. Martel (2e à partir de la gauche) lors de sa mission, à Chypre. 3. Il a reçu la Médaille de la paix pour sa mission en ex-Yougoslavi­e.

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