Le président Evo Morales chassé du pouvoir par la rue
L’homme fort du pays démissionne après une nouvelle journée de contestation
LA PAZ | (AFP) Le président bolivien Evo Morales a démissionné hier après trois semaines de protestations contre sa réélection, tandis qu’une foule joyeuse célébrait la nouvelle dans les rues et que les premières arrestations d’anciens dirigeants avaient lieu.
« Je renonce à mon poste de président », a déclaré à la télévision le leader indigène de 60 ans, au pouvoir depuis 2006, au terme d’une journée marquée par de nouveaux affrontements entre manifestants et forces de l’ordre ainsi que des démissions en série de ministres et députés.
« Le coup d’État a eu lieu », a ajouté, à ses côtés, le vice-président Alvaro Garcia Linera, lui aussi démissionnaire.
En début de soirée, la police a arrêté la présidente du Tribunal électoral de Bolivie (TSE), Maria Eugenia Choque, sur ordre de la justice, qui enquête sur des irrégularités commises dans le scrutin d’octobre, ainsi que le vice-président du TSE, Antonio Costas.
Des milliers d’habitants ont déferlé dans les rues du pays pour célébrer cette annonce, agitant le drapeau bolivien après la violente vague de contestation au cours de laquelle trois personnes ont été tuées et 383 blessées.
Retranché dans son fief politique, la zone de production de feuille de coca de Chimoré, dans la région de Cochabamba, Evo Morales a finalement cédé aux appels au départ en fin d’après-midi.
MANDAT D’ARRÊT
En soirée, il a annoncé qu’un mandat d’arrêt avait été émis contre lui « Je dénonce devant le monde et le peuple bolivien qu’un officier a annoncé publiquement qu’il a reçu l’instruction d’exécuter un mandat d’arrêt illégal émis contre ma personne », a écrit l’ancien dirigeant socialiste sur Twitter.
Il est l’un des derniers représentants de la « vague rose » qui a déferlé au tournant des années 2000 sur l’Amérique latine, faisant virer à gauche le Brésil, l’Argentine, le Chili, l’Équateur et le Venezuela, la majorité de ces pays ayant depuis rebasculé à droite.
Hier soir, il a d’ailleurs reçu le soutien immédiat des présidents cubain et vénézuélien, Miguel Diaz-Canel et Nicolas Maduro, qui ont dénoncé un « coup d’État » et exprimé leur solidarité envers leur « frère président », Evo Morales.
Le président élu argentin, Alberto Fernandez, a également condamné « un coup d’État ». Le Mexique a offert l’asile à Evo Morales et accueilli dans son ambassade à La Paz des fonctionnaires et des parlementaires boliviens.
De son côté, le président brésilien d’extrême droite, Jair Bolsonaro, a estimé que les dénonciations de fraude avaient poussé Evo Morales à démissionner.
Au fil de la journée, le dirigeant bolivien s’était retrouvé de plus en plus isolé alors que la crise politique s’accélérait brutalement dans le pays andin, où grève générale et manifestations paralysaient l’activité depuis une dizaine de jours.
Le coup fatal a été porté par l’armée et par la police, qui lui ont retiré leur soutien dans l’après-midi, l’appelant à démissionner.