Le Journal de Montreal

Les pros raffolent de l’ammoniaque

La directrice du laboratoir­e de contrôle du dopage à l’INRS-Institut Armand-Frappier, Christiane Ayotte, croit que les joueurs de la LNH ne montrent pas le bon exemple aux jeunes que les joueurs de la LNH ne montrent pas le bon exemple aux jeunes

- KEVIN DUBÉ smelling salts game

Voir des sportifs profession­nels, en pleine télévision, inhaler de l’ammoniaque dans le but d’augmenter leurs performanc­es sportives est devenu aussi habituel que banal. « Ça ne veut pas dire que ce n’est pas sans-génie », prévient toutefois la directrice du laboratoir­e de contrôle du dopage à l’INRS-Institut Armand-Frappier, Christiane Ayotte.

L’ammoniaque s’est retrouvée dans l’actualité cette semaine lorsqu’un jeune joueur midget de Granby a ingéré par erreur un mélange d’eau et d’ammoniac préparé par des coéquipier­s qui prévoyaien­t en respirer les effluves dans le but de ressentir une importante dose d’adrénaline.

Le jeune de 17 ans a subi d’importante­s brûlures à la bouche et à la gorge à la suite de cet incident.

« C’était la première que l’on faisait ça. On niaisait. On trouvait ça drôle, mais ça n’a pas fini comme une belle histoire. On s’est dit : “s’ils [les joueurs de la LNH] font ça, ça doit être correct de le faire », a réagi Mathys, un coéquipier du jeune blessé, à TVA Nouvelles, mardi.

C’est effectivem­ent un comporteme­nt fort répandu dans la LNH.

COMMUN

Des compilatio­ns de vidéos existent et sont facilement accessible­s où l’on voit des joueurs actuels du circuit Bettman inhaler de petits sachets de sels d’ammonium, ou

en anglais, ainsi que leur réaction après coup.

Parmi ces joueurs, on compte quelques grandes vedettes du sport, les Mitch Marner, Connor McDavid ou Johnny Gaudreau, entre autres.

Le quart-arrière des Patriots de la Nouvelle-Angleterre Tom Brady avait lui aussi fait jaser en 2011 lorsqu’il avait été aperçu sur les lignes de côté, respirant de l’ammoniaque dans un verre.

Dans la LNH, les équipes en disposent allégremen­t et des sachets sont à la dispositio­n des joueurs sur le banc de l’équipe lors des périodes d’échauffeme­nt. C’est notamment le cas du Canadien de Montréal.

« Je n’en prends pas, a toutefois assuré Phillip Danault, hier. J’ai déjà essayé par contre. C’est fort dans le nez, très fort même. Ça réveille. Ceux qui l’utilisent, ce n’est pas nécessaire­ment une dépendance, mais plus une routine. On peut dire que c’est un peu comme le tabac à chiquer, ce n’est pas bon pour la santé. »

PAS BANNI, MAIS…

Il faut dire que cette substance n’a rien d’illégal et n’est pas bannie par l’Agence mondiale antidopage, car il n’existe aucun lien scientifiq­uement prouvé entre son utilisatio­n et l’augmentati­on des performanc­es sportives.

En d’autres mots, les sels d’ammonium n’augmentent pas les performanc­es sportives et il est là, le problème, selon la Dre Ayotte.

« Ce n’est pas parce que ce n’est pas banni que c’est raisonnabl­e, mentionne-t-elle. Quand on le respire, c’est tellement irritant qu’on a l’impression tout d’un coup d’être énergisé et notre coeur se met à battre rapidement. Par contre, ça irrite fortement les muqueuses du nez, de la gorge et des bronches. C’est une pratique archaïque qui survit dans le temps. Ç’a l’air fou. »

RESPONSABI­LITÉ

La chimiste se questionne d’ailleurs sur l’image que projettent les athlètes profession­nels lorsqu’ils inhalent ce genre de produit nocif pour la santé au su et au vu de plusieurs jeunes sportifs qui les idolâtrent.

« Les joueurs de hockey doivent se regarder dans le miroir et arrêter d’utiliser ces produits. Il faut que la Ligue nationale de hockey envoie un message clair et l’interdise à ses équipes. Il n’existe aucun bienfait à inhaler de l’ammoniaque et en plus, ça projette une très mauvaise image. »

La scientifiq­ue se désole du peu d’informatio­n disponible au sujet de ces sels d’ammonium.

« C’est dommage parce que les jeunes, les parents et les entraîneur­s regardent ça et se disent que c’est une bonne idée et qu’ils vont le faire aussi. »

Plusieurs haltérophi­les utilisent aussi les sels d’ammonium lors de compétitio­ns avant de soulever d’importante­s charges.

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