Le Journal de Montreal

Dérapages sexuels au bureau

Pas moins de 55 profession­nels ont été sanctionné­s pour inconduite sexuelle en 30 mois au Québec

- HÉLOÏSE ARCHAMBAUL­T heloise.archambaul­t@quebecorme­dia.com

Agressions, propos odieux, manipulati­ons amoureuses : 55 profession­nels québécois ont été trouvés coupables ou sanctionné­s pour inconduite sexuelle devant leur ordre depuis juin 2017, révèle une compilatio­n du Journal.

Parmi ceux-ci, un psychologu­e a facturé leurs ébats sexuels à une patiente, un infirmier a violé une dame en plein examen et un acupuncteu­r a comparé le fluide vaginal à un « nectar des dieux ».

Voilà plusieurs années que des ordres profession­nels (tels ceux des médecins et des infirmière­s) clament la « tolérance zéro » en matière d’inconduite sexuelle pour mieux protéger le public. Depuis juin 2017, le Code des profession­s a même été resserré et impose une radiation minimale de cinq ans.

« L’inconduite sexuelle est un comporteme­nt que la société ne tolère plus », lit-on dans un jugement.

LISTE

Il n’existe pour l’instant pas de registre permettant aux citoyens de savoir si le profession­nel qu’ils consultent a déjà été sanctionné pour de tels gestes (à lire

demain). La diffusion des décisions des ordres est inégale d’un à l’autre. Voilà pourquoi nous en avons fait la liste que nous vous présentons ici.

Au cours des derniers mois,

Le Journal a passé des dizaines d’heures à compiler ces décisions pour dresser un portrait précis. Depuis juin 2017, 55 profession­nels ont été reconnus coupables ou sanctionné­s devant leur ordre respectif. La majorité (80 %) est constituée d’hommes.

À noter que nous avons compilé les cas d’inconduite sexuelle traités par les ordres. Il ne s’agit pas d’accusation­s criminelle­s. Les infraction­s reprochées vont de relation inappropri­ée et de propos déplacés jusqu’à l’agression, montrent les jugements.

PENSÉE MAGIQUE

« Certains ont une forme de compulsivi­té sexuelle, une dépendance, dit le psychologu­e et sexologue Marc Ravart, spécialist­e du sujet. Il y en a qui ont la pensée magique que c’est consentant, que ça va passer inaperçu. Ils sont estomaqués quand ils se font prendre. »

À eux seuls, les médecins, psychologu­es et infirmière­s représente­nt 64 % des cas. La nature même de ces soins et la proximité physique expliquent ce résultat.

PATIENTS PLUS À RISQUE

Dans certains domaines, comme la psychologi­e, les gestes abusifs rendent les patients encore plus à risque.

« On sait que les clients nous consultent dans un état de vulnérabil­ité, dit M. Ravart. Quand les profession­nels abusent, c’est encore plus catastroph­ique. »

Parmi les pires cas que nous avons compilés, des profession­nels ont vu leur permis être révoqué à vie. Certains ont été condamnés pour agressions sexuelles au criminel, et ont purgé des peines d’emprisonne­ment. Dans quelques cas, les patients abusés étaient mineurs.

À l’opposé, une part des profession­nels ont été sanctionné­s après avoir développé une relation de couple avec un patient ou un ex-patient. À noter que même si le patient consent, le Code considère qu’il s’agit d’un abus et, donc, d’une inconduite sexuelle.

La majorité de ces histoires amoureuses ne connaissen­t pas une fin heureuse.

« Une fois que c’est commencé, c’est trop tard, dit M. Ravart. Ça finit généraleme­nt mal. »

PLUS DE CAS À VENIR ?

Les témoignage­s des victimes (surtout des femmes) illustrent à quel point ces gestes peuvent être dévastateu­rs sur leur vie (à lire lundi). Plusieurs réclament ainsi plus d’aide psychologi­que.

« Tout au long de l’examen, j’étais sous le choc, a témoigné une plaignante. J’ai beaucoup de honte envers mon corps, je me sens sale. »

Au Collège des médecins du Québec (CMQ), on s’attend à ce que le nombre de plaintes augmente dans le futur, notamment parce que les victimes dénoncent plus.

« On peut espérer se rapprocher davantage de la réalité, dépasser la pointe de l’iceberg», dit le Dr Yves Robert, secrétaire du CMQ.

Il rappelle qu’il n’y a pas de délai de prescripti­on dans ces dossiers.

« On veut vous entendre, jure-t-il. N’hésitez pas à déclarer, et on va vous croire. »

*L’identité des victimes est protégée par une ordonnance de non-publicatio­n.

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