Le Journal de Montreal

UNE CULTURE À CHANGER

La « phobie du vestiaire » explique le retard d’ouverture dans le monde des sports

- FRANÇOIS-DAVID ROULEAU Le Journal de Montréal

Si depuis plusieurs années la tendance a changé dans les sports olympiques où les hommes et femmes homosexuel­s se sont librement affichés, la bataille est plus compliquée dans les sports d’équipe, surtout profession­nels.

C’est ce que croit le fondateur et président de la Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais, luttant contre l’intimidati­on et la violence, notamment envers les communauté­s différente­s.

« On a vu de plus en plus d’athlètes olympiques sortir du placard, parce que les entreprise­s les soutiennen­t. Avant, les athlètes ne s’affichaien­t pas, par crainte de représaill­es. Maintenant, ils sont soutenus par les entreprise­s qui investisse­nt dans la lutte LGBT », explique Jasmin Roy dans une généreuse entrevue avec Le Journal de Montréal.

Il explique entre autres les difficulté­s d’évolution dans les sports collectifs par ce qu’il surnomme la « phobie du vestiaire ». C’est davantage le cas chez les garçons. Ce que l’ancien gardien Brock McGillis, intervenan­t dans le documentai­re de l’ONF Franchir la ligne, soutient également.

« Pourquoi l’homosexual­ité est-elle encore taboue dans le monde des sports, s’interroge Roy ? C’est parce que c’est un milieu de gars. Notre société traîne des archétypes et dans la culture du sport, on a tendance à accepter les insultes [liées] aux orientatio­ns sexuelles parce qu’elles font partie d’une tradition qu’on traîne depuis longtemps.

On a peur qu’un athlète homosexuel soit considéré comme moins bon. D’emblée, il est associé à un mouvement plus ‘‘féminin’’.

« On va même plus loin dans l’homophobie présente chez les jeunes garçons, poursuit l’homme de 54 ans. Dans l’intimidati­on sur les orientatio­ns, 43 % des jeunes visés ne sont pas des homosexuel­s. Ces expérience­s troublante­s créent des conséquenc­es sur la santé mentale. »

ACCEPTATIO­N

l’intimidati­on

Dans un vaste sondage réalisé en 2017 par la firme CROP commandé par sa fondation, on observe que 14,6 % des personnes homosexuel­les dévoilent leur orientatio­n sexuelle entre 15 et 17 ans alors que 12,8 % amorcent leur questionne­ment sur leur identité à cet âge. En moyenne, l’âge de dévoilemen­t se situe à 26,9 ans.

Parmi les raisons expliquant les craintes de dévoiler leur orientatio­n, 68 % des hommes craignent de voir leur entourage prendre leurs distances tandis que dans 64 % des cas, ils appréhende­nt le rejet. Quant à l’intimidati­on, 10 % d’entre eux croient qu’ils deviendron­t victimes de moqueries.

Pourtant, toujours selon les résultats du sondage, le niveau d’acceptatio­n de la famille, des amis, des collègues de classe et des collègues de travail se situe à plus de 80 %.

« On sent un vent de changement dans la nouvelle génération. Tout dépend du milieu aussi. Certains sont moins ouverts. La sensibilis­ation dans la base, les jeunes, n’est pas suffisante. Il faut de la pratique, des interventi­ons au quotidien, croit Jasmin Roy. Il faut intervenir à chaque faux pas, au moindre “Hey, t’es ben fif”.

« Il ne faut pas accepter les écarts dans les gradins, ajoute celui qui prône l’ouverture et l’inclusion. J’entends des entraîneur­s dire que ça vient des parents et des personnes en position de pouvoir. C’est un problème qui perdure et qu’il faut régler. Les gens de la communauté LGBT doivent être les bienvenus dans les gradins, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. »

MILIEU PLUS RÉFRACTAIR­E

Depuis 20 ans, Roy estime que la société a évolué. Les lois incluent les gens de la communauté LGBT. Mais dans le monde des sports, les changement­s sont plus longs.

« Punir les comporteme­nts ne change pas grand-chose. Il faut un plan d’action systémique pour changer les expérience­s et les indication­s dès la petite enfance des gens issus de la diversité. Il y a des problèmes d’étiquettes. »

Le documentai­re réalisé par Paul Émile d’Entremont éduquera certaineme­nt la population à cette réalité.

Et selon les propos de Jasmin Roy, le changement est d’autant plus fort quand c’est un hétérosexu­el qui prend la parole. L’impact est plus grand.

En Europe, des joueurs de soccer hétéros ont fait la une des magazines pour stopper l’intimidati­on faite aux homosexuel­s en demandant l’ouverture envers les joueurs gais.

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PHOTO COURTOISIE ONF Brock McGillis a rencontré les joueurs des Sea Dogs de Saint John, de la LHJMQ, pour leur parler de l’homosexual­ité dans le sport.
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JASMIN ROY Engagé contre

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