UNE CULTURE À CHANGER
La « phobie du vestiaire » explique le retard d’ouverture dans le monde des sports
Si depuis plusieurs années la tendance a changé dans les sports olympiques où les hommes et femmes homosexuels se sont librement affichés, la bataille est plus compliquée dans les sports d’équipe, surtout professionnels.
C’est ce que croit le fondateur et président de la Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais, luttant contre l’intimidation et la violence, notamment envers les communautés différentes.
« On a vu de plus en plus d’athlètes olympiques sortir du placard, parce que les entreprises les soutiennent. Avant, les athlètes ne s’affichaient pas, par crainte de représailles. Maintenant, ils sont soutenus par les entreprises qui investissent dans la lutte LGBT », explique Jasmin Roy dans une généreuse entrevue avec Le Journal de Montréal.
Il explique entre autres les difficultés d’évolution dans les sports collectifs par ce qu’il surnomme la « phobie du vestiaire ». C’est davantage le cas chez les garçons. Ce que l’ancien gardien Brock McGillis, intervenant dans le documentaire de l’ONF Franchir la ligne, soutient également.
« Pourquoi l’homosexualité est-elle encore taboue dans le monde des sports, s’interroge Roy ? C’est parce que c’est un milieu de gars. Notre société traîne des archétypes et dans la culture du sport, on a tendance à accepter les insultes [liées] aux orientations sexuelles parce qu’elles font partie d’une tradition qu’on traîne depuis longtemps.
On a peur qu’un athlète homosexuel soit considéré comme moins bon. D’emblée, il est associé à un mouvement plus ‘‘féminin’’.
« On va même plus loin dans l’homophobie présente chez les jeunes garçons, poursuit l’homme de 54 ans. Dans l’intimidation sur les orientations, 43 % des jeunes visés ne sont pas des homosexuels. Ces expériences troublantes créent des conséquences sur la santé mentale. »
ACCEPTATION
l’intimidation
Dans un vaste sondage réalisé en 2017 par la firme CROP commandé par sa fondation, on observe que 14,6 % des personnes homosexuelles dévoilent leur orientation sexuelle entre 15 et 17 ans alors que 12,8 % amorcent leur questionnement sur leur identité à cet âge. En moyenne, l’âge de dévoilement se situe à 26,9 ans.
Parmi les raisons expliquant les craintes de dévoiler leur orientation, 68 % des hommes craignent de voir leur entourage prendre leurs distances tandis que dans 64 % des cas, ils appréhendent le rejet. Quant à l’intimidation, 10 % d’entre eux croient qu’ils deviendront victimes de moqueries.
Pourtant, toujours selon les résultats du sondage, le niveau d’acceptation de la famille, des amis, des collègues de classe et des collègues de travail se situe à plus de 80 %.
« On sent un vent de changement dans la nouvelle génération. Tout dépend du milieu aussi. Certains sont moins ouverts. La sensibilisation dans la base, les jeunes, n’est pas suffisante. Il faut de la pratique, des interventions au quotidien, croit Jasmin Roy. Il faut intervenir à chaque faux pas, au moindre “Hey, t’es ben fif”.
« Il ne faut pas accepter les écarts dans les gradins, ajoute celui qui prône l’ouverture et l’inclusion. J’entends des entraîneurs dire que ça vient des parents et des personnes en position de pouvoir. C’est un problème qui perdure et qu’il faut régler. Les gens de la communauté LGBT doivent être les bienvenus dans les gradins, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. »
MILIEU PLUS RÉFRACTAIRE
Depuis 20 ans, Roy estime que la société a évolué. Les lois incluent les gens de la communauté LGBT. Mais dans le monde des sports, les changements sont plus longs.
« Punir les comportements ne change pas grand-chose. Il faut un plan d’action systémique pour changer les expériences et les indications dès la petite enfance des gens issus de la diversité. Il y a des problèmes d’étiquettes. »
Le documentaire réalisé par Paul Émile d’Entremont éduquera certainement la population à cette réalité.
Et selon les propos de Jasmin Roy, le changement est d’autant plus fort quand c’est un hétérosexuel qui prend la parole. L’impact est plus grand.
En Europe, des joueurs de soccer hétéros ont fait la une des magazines pour stopper l’intimidation faite aux homosexuels en demandant l’ouverture envers les joueurs gais.