Le Journal de Montreal

Au-delà du béton

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

Vous avez vu les plans des nouvelles maisons des aînés et des fameux projets LabÉcole de Pierre Thibault, Ricardo Larrivée et Pierre Lavoie ?

Ça change des gros blocs de béton où l’on case nos vieux et nos jeunes !

Enfin, on reconnaît l’influence de l’architectu­re sur notre bienêtre !

On n’envisage pas la vie de la même façon selon qu’on habite un demi-sous-sol sans fenêtre ou un loft lumineux.

Je fais partie de la génération qui a fréquenté des polyvalent­es qui ressemblai­ent à des réacteurs nucléaires.

Le béton, à l’époque, était vu comme un matériau noble.

Tout était en béton : les écoles, les immeubles d’habitation, les terrains de jeux, les hôpitaux, les musées, les tours de bureaux gouverneme­ntaux, les églises.

Si on avait pu fabriquer des dentiers en béton, on l’aurait fait !

C’était solide, résistant, neuf. Comme l’État nouveau qu’on était en train de construire !

Et ça venait dans une myriade de teintes : gris pâle, gris foncé, gris blafard, gris blême, gris morne, gris pâlot, gris terreux et gris délavé.

On se serait cru en Pologne au bon vieux temps du communisme.

Que voulez-vous, on construisa­it le Québec moderne ! Et qui dit « moderne » dit « béton » !

Allez, hop, mettez-moi du béton partout ! Que le Québec au grand complet ressemble à un barrage hydro-électrique !

Nous vivons à l’âge de la machine ! Des turbines géantes ! Des autoroutes ! On veut du carré ! De l’imposant ! Du massif ! Du monumental ! Du lourd !

Il faut que ça respire la puissance ! La force !

Et, surtout, la pérennité ! Pour qu’un jour, un chef d’État de passage au Québec puisse crier, juché sur le toit du complexe G à Québec : « Du haut de ce gratte-ciel, quarante siècles vous contemplen­t ! »

UNE CULTURE DE LA LAIDEUR

Résultat : nous avons grandi dans la laideur.

Et quand l’appartemen­t dans lequel tu grandis, l’école dans laquelle tu apprends, l’hôpital dans lequel on te soigne et le CHSLD dans lequel on te torche ressemblen­t à un compacteur à déchets, tu finis par te trouver laid toi-même.

Tu ne fais plus attention à rien. Ni à toi ni à ton environnem­ent. Tu t’habilles en mou. Tu dessines des graffitis sur les murs. Tu jettes tes poubelles du haut du troisième étage. Pourquoi pas ? Tu vis dans un monde caca d’oie !

Heureuseme­nt, on commence à renverser la tendance. On allume, on se réveille.

On dessine maintenant des CHSLD qui ressemblen­t à des petits pavillons champêtres, et des écoles lumineuses entourées d’arbres.

Terminée l’époque où l’on voulait tenir la nature à distance (comme pour faire oublier notre passé de fermier, de colon). On veut maintenant renouer avec elle.

Il faut investir dans le personnel ! L’humain !

LE CONTENANT, LE CONTENU

Cela dit…

C’est bien beau, une maison des aînés avec de grandes fenêtres et des murs colorés.

Mais si c’est pour continuer de macérer dans une couche pleine de merde, ça ne fait pas une grande différence.

Idem pour les nouvelles écoles à gogo. Oui, l’environnem­ent est important.

Mais rien ne bat un personnel motivé, qui ne pète pas au frette et qui a le temps de s’attaquer aux vrais problèmes.

C’est joli, un arbre. Mais pour aider un enfant en difficulté, rien ne vaut un orthophoni­ste, un psy ou un éducateur spécialisé.

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