Sur l’aide sociale, il voudrait aller deux semaines en Floride
Le chèque d’un bénéficiaire a été amputé après un séjour dans cet État américain
Un bénéficiaire de l’aide sociale qui a l’habitude de s’occuper de sa famille à l’étranger conteste la règle qui l’empêche de quitter le Québec pour plus de sept jours.
« C’est moi qui ai le plus de disponibilité [pour s’occuper de ses parents vieillissants à l’étranger], mais je n’ai pas le droit d’y aller », dit Arié Moyal, 39 ans.
Ses parents sont des snowbirds qui passent l’hiver en Floride.
Il fait partie des deux prestataires de l’aide sociale qui ont commencé à être entendus hier par le Tribunal administratif du Québec pour contester une mesure qui leur interdit depuis 2015 de passer plus d’une semaine consécutive ou 15 jours cumulés par mois hors de la province sous peine de voir leur chèque amputé.
Une vingtaine d’organismes communautaires dénoncent le fait qu’une forte majorité (83 %) des personnes affectées est née à l’étranger, alors qu’elles ne représentent que 18 % des assistés sociaux.
« Dans beaucoup de cas, il s’agit de gens dont une personne de la famille est malade, ou qui sont eux-mêmes malades », explique Sheetal Pathak, du Projet Genèse. C’est en général la famille qui paie pour le transport, ajoute-t-elle.
ÉPARPILLÉS
M. Moyal est né et a grandi à Montréal. Outre ses parents qui passent l’hiver dans le Sud, son frère habite en Ontario et sa soeur, en Israël.
Il n’a pas d’autre choix que de demander de l’aide sociale en raison de contraintes sévères à l’emploi depuis un traumatisme crânien subi en 2012 qui lui occasionne notamment des étourdissements et des difficultés de concentration, a-t-il expliqué en audience.
En 2016, sa famille lui a payé un billet d’avion pour qu’il se rende en Israël pour rencontrer son neveu qui venait de naître.
« Je ne peux pas demander à tout le monde de revenir au Québec. »
Il est plus logique que sa famille lui paie un billet d’avion pour qu’il puisse les rejoindre à l’occasion, a-t-il ajouté.
En collant une semaine à la fin avril et une semaine au début mai, il croyait être dans ses droits. À son retour, 150 $ lui ont été retirés sur sa prestation de 940 $.
Il aurait pu perdre son appartement s’il n’avait pas eu un propriétaire compréhensif, dit-il. Cette règle est « discriminatoire », dénonce-t-il. Mais en plus, « les fonctionnaires ne savent pas comment l’appliquer. »
MISSION ANTI-SOLITUDE
Cette règle l’empêche aussi de réaliser pleinement la mission qu’il se donne de combattre la solitude.
Depuis une dizaine d’années, il distribue des câlins gratuits à bord de trains qui voyagent à travers le Canada et les États-Unis, un rôle pour lequel il a même fait l’objet de divers reportages.
« C’est ma façon de contribuer à la société. » Il avoue lui-même souffrir de solitude, ses possibilités de se « ressourcer » en famille étant limitées.
Le ministère du Travail et de la Solidarité sociale n’a pas souhaité commenter.
Les audiences se poursuivent aujourd’hui à Montréal.