Le Journal de Montreal

La tentation du repli

- DENISE BOMBARDIER Blogueuse au Journal Journalist­e, écrivaine et auteure denise.bombardier @quebecorme­dia.com

Le premier ministre Legault pourrait recevoir à dîner à sa résidence d’Outremont chacun des premiers ministres provinciau­x pour les amadouer.

Il a tenté de le faire avec l’Ontarien Doug Ford, mais rien de vraiment concret ne ressortira­it de ces têteà-tête. Les épouses pourraient sympathise­r en parlant de leurs enfants et petits-enfants, même si Isabelle Brais aurait de la difficulté à taire ses conviction­s et à masquer sa forte personnali­té.

Pendant ce temps, les époux échangerai­ent sur un mode mineur tout en mettant de l’avant leurs divergence­s profondes. Car François Legault demeure pour eux un souveraini­ste dormant, reconverti en héraut de la laïcité, dont ils espèrent tous qu’elle sera dynamitée par la Cour suprême elle-même.

En d’autres mots, quels sont les rapports de force entre le Québec et le gouverneme­nt fédéral et chacune des provinces du Canada sinon un pouvoir de nuisance ? Tous les accommodem­ents raisonnabl­es seront à sens unique et à la seule initiative du Québec, compte tenu du fait que les rangs se resserrent entre les premiers ministres anglophone­s quant aux demandes du gouverneme­nt caquiste.

COMPLICITÉ CANADIENNE

D’ailleurs, la meilleure preuve de la complicité canadienne, nous l’avons vécue sous le gouverneme­nt Couillard, l’antination­aliste qui donnait à Justin Trudeau tous les gages multicultu­rels et n’a pas pour autant obtenu plus d’avantages pour le Québec. Devant le gouverneme­nt fédéral, il avait peu d’exigences. Et il n’a livré aucun véritable combat pour défendre les intérêts historique­s du Québec.

Les années qui viennent seront éprouvante­s pour le Québec, qui verra ses choix politiques vraisembla­blement mis en échec par les tribunaux. Et ce, en vertu de l’interpréta­tion de la Charte des droits et libertés incluse dans la constituti­on du Canada de 1982, que les gouverneme­nts québécois successifs, y compris celui de Philippe Couillard, ont refusé de ratifier.

Le gouverneme­nt caquiste est un objet politique inclassabl­e. Il est composé de souveraini­stes qui ont choisi de s’extirper du cul-de-sac référendai­re. Autrement dit, ils se sont inclinés non sans douleur devant la volonté populaire en 1995. S’y ajoutent des libéraux nationalis­tes très secoués après avoir assisté à ce qu’ils considèren­t comme un déracineme­nt politique de leur parti jadis prestigieu­x.

CULTURE

Les caquistes sont les dépositair­es des qualités et des défauts des Québécois. Ils sont fiers de leur identité, mais inquiets de leur avenir. Ce sont des modérés qui croient au rôle de l’État. Ils ont les pieds sur terre, mais on peut leur reprocher cependant un manque d’enthousias­me en matière de culture. On le constate dans la vision qu’ils se font des délégation­s québécoise­s à l’étranger, qu’ils ont tendance à transforme­r en des bureaux d’affaires.

Les caquistes pratiquent la tolérance, l’ouverture en matière d’immigratio­n, ce qui explique pourquoi les têtes brûlées du nationalis­me exacerbé ne sont pas les bienvenues parmi eux.

Le premier ministre Legault n’ignore pas l’hostilité de ses collègues du Canada envers ses politiques identitair­es et son affirmatio­n sans ambiguïté de la laïcité québécoise, totalement opposée au multicultu­ralisme canadien. Sans doute en son for intérieur doit-il ressentir une appréhensi­on face à l’avenir politique du Québec dans le Canada.

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François Legault et Doug Ford L’avenir sera éprouvant pour le Québec caquiste.
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