Le Journal de Montreal

Qui a peur de Carles Puigdemont ?

- JOSÉE Blogueuse au Journal Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique josee.legault @quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

Pourquoi les autorités canadienne­s refusent-elles l’entrée au pays de l’ex-président de la Catalogne, Carles Puigdemont ? Aurait-il volé ou tué ? Serait-il un terroriste ? Bien sûr que non. Son seul « crime », aux yeux d’Ottawa, serait d’être un indépendan­tiste. Plus précisémen­t, un élu qui, en 2017, organisait un référendum jugé « illégal » par l’Espagne. L’art de mettre la démocratie hors la loi.

À l’instar de millions de ses compatriot­es, qu’ils soient pour ou contre l’indépendan­ce de la Catalogne, Carles Puigdemont, serait donc « coupable » de défendre le droit des Catalans à l’autodéterm­ination face à une Espagne qui, avec force et violence, leur nie le droit de l’exercer par voie référendai­re.

En octobre, ce déni de démocratie atteignait son paroxysme. Neuf leaders indépendan­tistes catalans étaient jugés coupables de « sédition » par la Cour suprême d’Espagne et condamnés à des « peines exemplaire­s » de prison allant de 9 à 13 ans. Le tout, dans un État moderne dit avancé. Le tout, dans l’indifféren­ce la plus totale de l’Occident.

RÉFÉRENDUM « ILLÉGAL »

Obligé à l’exil et invité par la Société Saint-Jean-Baptiste, Carles Puigdemont tente depuis un an de visiter le Québec. Or, parce que Madrid l’accuse d’avoir organisé « illégaleme­nt » un référendum, les autorités canadienne­s lui refusent son visa. Une honte.

Se disant « perplexe » face à la situation, Carles Puigdemont signe une lettre ouverte aux Québécois, diffusée hier sur plusieurs plateforme­s. Une pièce d’anthologie. Il y remercie les Québécois pour leur « solidarité sincère (…) devant la violence inouïe des institutio­ns policières et judiciaire­s » espagnoles.

Il remercie l’Assemblée nationale pour ses motions unanimes votées en appui au droit des Catalans à décider de leur propre avenir. Au Canada, il rappelle toutefois ses « engagement­s internatio­naux ratifiés (…) eu égard au droit des peuples à l’autodéterm­ination ». L’ironie, avouons-le, est puissante.

OCTOBRE 1970

En conclusion, l’ex-président catalan va même jusqu’à citer le grand poète québécois Gaston Miron, décédé tout juste un an après le référendum de 1995 sur la souveraine­té du Québec : « Ça ne pourra pas toujours ne pas arriver / (…) il n’est pas question de laisser tomber nos espérances ».

Est-ce vraiment une coïncidenc­e ? Après tout, au zénith de la crise d’octobre de 1970, Gaston Miron fut aussi un des presque 500 citoyens pacifiques du Québec emprisonné­s pour le seul « crime » d’avoir été des indépendan­tistes. Toutes et tous, ils furent coffrés sans le moindre mandat en vertu de la Loi des mesures de guerre.

Adoptée sous le gouverneme­nt libéral de Pierre Elliott Trudeau, cette loi infâme suspendait les libertés fondamenta­les. Rien de moins. Sans nul doute un des épisodes les plus noirs de l’histoire canadienne.

Les autorités fédérales lui fermant aujourd’hui la porte sous un gouverneme­nt dirigé comme par hasard par le fils de P.E. Trudeau, se pourrait-il que Carles Puigdemont ait vu un lien entre le sort réservé aux prisonnier­s politiques catalans et celui de ces centaines de Québécois jetés en prison en 1970 pour le « crime » similaire d’avoir été des indépendan­tistes et des démocrates ?

LEGAULT

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Dans sa lettre aux Québécois, l’ex-président catalan Carles Puigdemont cite le grand poète Gaston Miron,
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