Le Journal de Montreal

La face cachée de Révolution

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

Malgré quelques rares initiative­s, la plupart des émissions de nos chaînes de télévision reflètent encore très peu le Québec actuel.

C’est à un « star système » entretenu avec un soin jaloux par toute notre industrie, en particulie­r par Québecor et sa kyrielle de magazines, que notre télévision doit en partie son audience exceptionn­elle.

Cette audience, qui fait l’envie du Canada anglais, notre télé la doit aussi aux innombrabl­es émissions dont le rôle est de faire connaître nos artistes sous toutes leurs coutures. Mais – c’est un reproche que font de plus en plus de téléspecta­teurs –, ce sont toujours les mêmes artistes qu’on invite à ce genre d’émissions.

Même si le Québec d’aujourd’hui a peu à voir avec celui d’hier, notre télévision n’a pas beaucoup changé. Elle reste plutôt « blanche et de souche ». À l’écran comme à sa direction. Il faudra pourtant qu’on finisse par se rendre à l’évidence. Les nouvelles plateforme­s numériques, YouTube entre autres, érodent petit à petit notre « star système ». De plus en plus de jeunes Québécois, ceux qui sont de souche comme ceux qui viennent d’ailleurs, ne connaissen­t même pas nos vedettes les plus célébrées.

Une série comme Révolution joue donc un double rôle : en plus de réunir des audiences de plus de 1,3 million de spectateur­s, elle fait connaître des artistes jusque-là obscurs et les transforme presque instantané­ment en vedettes. Ce qui plus est, bon nombre de ces nouveaux venus sont des immigrants ou des enfants d’immigrants installés au Québec depuis peu.

UNE SEULE QUÉBÉCOISE D’ORIGINE

Des quatre finalistes de dimanche à Révolution ,par exemple, seule Janie Richard est québécoise d’origine. Son compagnon de danse, Marcio Silveira, est originaire du Brésil. Quant au couple Adriano Leropoli et Samantha Scali, les autres finalistes, ils sont d’origine italienne. Même s’ils sont champions mondiaux de salsa depuis presque trois ans, ils étaient pratiqueme­nt inconnus du public québécois jusqu’à leur première apparition à Révolution.

Dans les trente premières années (ou à peu près) de la télévision, Radio-Canada faisait à la danse, au chant et à la musique classique une place de choix. C’est en partie grâce à ses cachets de télévision que ma vieille amie, la regrettée Ludmilla Chiriaeff – une immigrante, elle aussi – a pu fonder les Ballets Chiriaeff, devenus, en 1958, Les Grands Ballets canadiens. Les émissions culturelle­s de Radio-Canada ont fait connaître chez nous des dizaines d’artistes d’origine étrangère.

UN RÔLE QU’ON NE JOUE PLUS

Petit à petit, malgré toutes les protestati­ons, la télévision de Radio-Canada a délaissé le rôle qu’elle jouait dans la promotion de la danse, de l’opéra et de la musique classique, laissant cette partie de son mandat à la radio. Avec beaucoup moins de rayonnemen­t, il va sans dire.

Je n’ai pas fait le compte, mais c’est évident que Star

Académie, La Voix et maintenant Révolution ont enrichi notre « star système » de dizaines d’artistes qui ne seraient pas sortis de l’anonymat sans ces émissions. Cerise sur le gâteau, plusieurs des participan­ts étaient des immigrants, ou des enfants d’immigrants, qui ne parvenaien­t pas à se faire connaître du grand public par les voies habituelle­s.

C’est la face cachée d’une émission comme Révolution.

Pour ces nouveaux Québécois, c’est beaucoup plus conséquent que ne sauraient l’imaginer la plupart des téléspecta­teurs.

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