Le Journal de Montreal

François Legault : l’antihéros

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Qui aurait pu prévoir que le chef de la CAQ devenu premier ministre d’un Québec secoué par les grands courants opposés du multicultu­ralisme et de l’affirmatio­n identitair­e atteindrai­t un degré de popularité envié par tous les chefs de gouverneme­nts d’Occident ?

Comment cet homme, qui n’est ni un tribun ni un populiste, mais un homme sans prétention habité par des conviction­s qu’il sait ajuster à la réalité politique, a-t-il réussi à provoquer une telle adhésion parmi les francophon­es qui l’appuient à hauteur de 70 % ?

Comment est-il parvenu à désamorcer les attaques sectaires de groupes qui le perçoivent comme un raciste et un xénophobe à cause de la loi 21, qu’il a défendue comme un capitaine de navire qui, sur une mer déchaînée, évite les écueils pour mener son vaisseau à bon port ?

SÉRÉNITÉ

Comment l’homme sans prétention, humble et avenant comme l’étaient les ancêtres, a-t-il réussi sans se départir d’une simplicité et d’une gentilless­e non feinte à réinjecter une forme de sérénité chez ses compatriot­es ?

François Legault est une révélation politique. Il n’incarne ni le sauveur comme Jean Lesage ni le héros comme Lévesque et Bouchard, ni l’autocrate comme Duplessis, ces hommes qui ont été des catalyseur­s de passions du peuple. François Legault est taillé sur mesure pour la majorité francophon­e, qui tangue parfois et qui est habitée par la crainte du risque représenté­e par les extrêmes. La modération a bien meilleur goût non seulement pour la SAQ, mais en politique également pour la majorité des électeurs québécois.

Les qualités de coeur de François Legault n’apparaisse­nt pas incompatib­les avec sa volonté de mener le Québec dans une voie singulière et distincte.

CONJONCTUR­E

Le « vieux » politicien le plus expériment­é de l’Assemblée nationale ne doit pas être sous-estimé. Il n’ignore pas que l’option caquiste n’exclut pas le mur contre lequel les revendicat­ions nationalis­tes peuvent se fracasser éventuelle­ment. Or, la conjonctur­e politique au début de la nouvelle décennie 2020 lui permet d’affûter ses armes. Car Justin Trudeau, à la tête d’un gouverneme­nt minoritair­e, ne peut pas jouer au croisé du multicultu­ralisme auquel il adhère comme à une religion.

François

Legault, sa carrière le prouve, sait se jouer du temps. L’affection palpable qu’il reçoit des Québécois continuera donc de le nourrir et de l’inspirer dans l’année à venir. Mais il devrait s’abstenir de parler à haute voix parfois. Comme il l’a fait lorsqu’il a annoncé qu’il pourrait partir avant la fin d’un deuxième mandat s’il était réélu. Cette remarque révèle sans doute une insécurité étrange pour François Legault. L’exercice du pouvoir serait aussi un poids. Surtout s’il se retrouvait confronté à des refus systématiq­ues d’un éventuel gouverneme­nt majoritair­e à Ottawa face aux revendicat­ions québécoise­s.

François Legault, comme la majorité francophon­e qui le soutient, ne croit plus guère à l’indépendan­ce. Or, il ne se prend pas pour un héros. Il est l’honnête homme qui aime son peuple, qui inclut même tous les Québécois qui s’opposent à lui et qui croient que leur vision du Québec triomphera un jour. En d’autres termes, François Legault est peut-être l’homme de la transition historique.

François Legault est une révélation politique

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PHOTO D’ARCHIVES
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