La France va évoluer, estime Bombardier
La chroniqueuse du Journal a dénoncé il y a 30 ans un romancier français pour son attirance pour les enfants
QUÉBEC | Emportée par un tourbillon médiatique depuis 24 heures en France, l’auteure et chroniqueuse au Journal, Denise Bombardier, se réjouit de voir enfin le vent tourner après avoir été la seule à fustiger il y a 30 ans l’attirance sexuelle de l’écrivain Gabriel Matzneff pour les enfants.
La publication d’un livre-choc de l’éditrice française Vanessa Springora sur sa relation avec l’écrivain sulfureux secoue la France. Elle raconte comment elle a été séduite par cet homme de 50 ans alors qu’elle n’avait même pas 14 ans.
Matzneff, un bonze de la littérature française, ne se cachait pas de « sodomiser des petits garçons et des petites filles ».
Mme Bombardier salue le courage de Vanessa Springora qui a mis 30 ans avant de parler de sa relation avec l’homme aujourd’hui âgé de 83 ans.
« Quelle force, quel courage », dit-elle dans un entretien avec Le Journal.
« Je me suis entendue pousser un cri durant une description de sodomie. C’est terrible », ajoute Mme Bombardier, vantant au passage l’écriture « remarquable » et « chirurgicale ».
La romancière québécoise, qui a accordé plus d’une vingtaine d’entrevues en France et au Québec depuis 24 heures, s’emporte encore en parlant des gestes de Matzneff qu’elle a dénoncés en 1990 sur le plateau de l’émission littéraire culte Apostrophes.
« JE NE REGRETTE RIEN »
« C’est un pédophile qui est publié chez Gallimard, non pas pour écrire ce qu’il imagine, mais ce qu’il fait, c’est-à-dire qu’il commet des crimes. Et il n’a jamais été remis en question », déplore-t-elle.
Dans les derniers jours, une vidéo de 1990 a resurgi sur les réseaux sociaux où l’écrivain est interrogé sur un ton badin par Bernard Pivot sur son attirance pour les jeunes de moins de 16 ans.
Présente sur le plateau, Denise Bombardier est la seule à semoncer Matzneff pour ses gestes qui seraient poursuivis en justice s’il ne bénéficiait pas d’une telle aura littéraire. Elle le compare également à ces « vieux messieurs » qui attirent les enfants avec des bonbons (voir encadré).
« Je ne regrette rien. Je ne me serais pas respectée si je n’avais pas fait ça. Je l’ai fait pour les enfants. Il n’y a rien de plus sacré au monde que les enfants », dit Mme Bombardier.
La sortie de l’auteure a été vertement critiquée à l’époque, mais trois décennies plus tard, elle est touchée de constater qu’elle a inspiré Vanessa Springora.
« Je m’aperçois du courage qu’il a fallu à cette auteure canadienne pour s’insurger, seule, contre la complaisance de toute une époque », écrit l’auteure française dans son livre, cité par le quotidien La Croix.
Cette dernière a envoyé le livre avec une note de remerciement à Mme Bombardier.
HOMMAGE RENDU
« Elle m’a rendu hommage et elle a dit que j’ai été la seule personne qui s’était portée à sa défense. Elle m’a dit que grâce à mon intervention, elle a trouvé la force de faire ce livre. Ça me bouleverse », indiquet-elle avec émotion.
La publication du livre de Vanessa Springora a ravivé en France un débat sur la pédophilie et sur la notion de consentement sexuel. Mme Bombardier croit que cela contribuera à faire tourner le vent.
« J’en suis convaincue. Les jeunes sont scandalisés. Ils se disent : “Mais qu’est-ce que les générations qui nous ont précédés ont toléré ? Comment pensaient-ils ?” »
Springora décrit dans son livre la fascination exercée par l’écrivain sur le milieu littéraire, ses proches et elle-même, ainsi que le poids de cette histoire sur sa vie.
« J’espère apporter une petite pierre à l’édifice qu’on est en train de construire autour des questions de domination et de consentement, toujours liées à la notion de pouvoir », a-t-elle confié au magazine français L’Obs.